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Chroniques d'un voyage au Sénégal

Chronique d'un voyage au Sénégal








1ère semaine

Le voyage démarre à partir du moment où vous quittez votre domicile et où vous dites au revoir à ce cher nid douillet qui vous sert de port d'attache et de repos.

Cette année, j'avais décidé de partir en avion, bien que je n'apprécie guère ce moyen de transport dans lequel votre vie est momentanément dans la main de quelqu'un d'autre que vous. Je ne pouvais néanmoins pas y aller en fourgon, mon moyen de transport favori, car il avait pour but de faire connaissance avec une vaste région que je ne connaissais pas et dont les traditions, les habitudes, les gens en général, m'étaient peu connus.

Il faut bien distinguer ce qu'on peut lire, de ce qui existe sur les lieux ensuite. Le regard des autres n'est pas forcément identique au notre.

Partir à l'aéroport fut très long. Il fallut d'abord prendre un bus à 5h du matin, suivi d'un taxi en espérant arriver à l'heure pour prendre un autre bus qui lui-même se terminait par la conduite d'un Uber en plein Nice. Un parcourt du combattant dont le rythme ne correspond jamais au sens du mot voyage dans lequel le temps s'évapore sous l'action de ce que vous découvrez.

La nuit passée à l’hôtel fut rapidement consommée. Il fallut se jeter dans un tram, puis dans un autre et enfin accepter de faire une queue sans fin pour être en règle avec les autorités du voyage et de celles de la compagnie d'avion. Je passe sur tous les contrôles et autres justificatifs liés à une pseudo protection qui est devenu surtout un moyen d'avoir un œil sur ce que vous faites sans le dire.

Le premier avion transportant environ 190 personnes nous emportait d'abord sur 1800km, jusque Lisbonne au Portugal. Là, grâce à une patience bien construite, le deuxième avion ne pourrait embarquer ses passagers au nombre de 300 cette fois ci, qu'après une attente de 7h15. Le peu de place qui vous est réservé dans les avions en classe économique on s'entend, ne permet pas de faire un voyage agréable. On ne peut pas étendre ses jambes, vos coudes partagent les accoudoirs avec les voisins et votre tête n'a pas les moyens de trouver un appui reposant pour dormir. Si vous désirez vous lever, il faut faire attention de ne pas se cogner la tête dans les étagères qui servent à stocker les bagages à mains. Les heures qui s'égrainent ainsi peuvent sembler très longues.

L'arrivée à Dakar se fit de nuit à 2 heure. La température ambiante vous fait rapidement comprendre que vous n'êtes plus au même endroit qu'au départ, ainsi que la décontraction des personnels administratifs et policiers. Les attentes restent longues, mais c'est toujours avec plaisir qu'on sort enfin de l'aéroport pour pouvoir se dire : « enfin , je suis arrivé! « .

L'aéroport de Dakar est à 50km de la ville. Il faut donc prendre un taxi. Vous avez le choix alors et vous l'aurez dans tout le pays, soit de prendre un taxi officiel ou un taxi-man qui vous fera la course pour moins cher, si vous savez un peu négocier votre affaire. Il n'est pas nécessaire d'être un requin en transaction , mais de faire la part des choses avec des personnes qui doivent aussi vivre de leur métier. La majorité d'entre eux sont d'une grande sympathie et peuvent vous faire connaître des choses intéressantes à voir. Ils peuvent aussi vous aider à trouver de quoi vous loger si vous savez être agréable.

Leurs véhicules sont de vielles automobiles recalées en Europe, mais qui vous emmènent où vous voulez, du moment que vous payer la course. Pas de fioritures particulières, mais des fauteuils pour s’asseoir le temps d'arriver à bon port et un bon bruit de moteur, de quoi être sûr qu'on est bien dans un diesel. On reconnaît la marque et le modèle de voiture d'origine, mais la carrosserie et les intérieures sont au bon goût du propriétaire. La couleur des taxis à Dakar est le jaune et le noir.

Si vous n'avez pas l'habitude de voyager en Afrique, il est plus prudent au début de réserver votre chambre d’hôtel en même temps que votre avion pour être certain de dormir. Les hôtels sont chers, mieux vaut être préparés.

Pour ma part, c'est le taxi-man qui a choisi mon hôtel en fonction de ce que je voulais payer. 15000F la nuit. A ce prix là, vous avez un lit, une table et des chaises ainsi qu'une salle de bain. L'eau n'est pas courante toute la journée, il y a de la lumière et une prise de courant qui fonctionne, quant au reste, c'est l'Afrique ! Mais le patron est sympa et vous accueille avec le sourire, même à 4heure du matin. La première nuit, dormir est la seule chose que vous demandez, vous ne regardez pas autour...

Cette première nuit fut bonne et réparatrice. Au matin je ne me sentais pas fatigué et je ne souhaitais plus qu'arpenter les rue du Dakar dans lequel je me trouvais. Ici , c''est Yoff. Un quartier de pêcheurs et de pauvres gens qui vivent de tout ce qui à trait à la mer. De petites ruelles s'entremêlent au point de se perdre lorsqu'on s'y aventure, mais les gens vous aident à vous y retrouver avec le sourire. La température est déjà assez élevée et il n'en faut pas plus pour vous limiter dans vos escapades.

D'abord une petite visite du marché très typique avec ses petites échoppes qui débordent de tout, les unes à côté des autres ne laissant que peu d'espace entre la rue et les articles déballés dehors pour que tous puissent les voir. Beaucoup de gens qui passent en tous sens et des voitures petites et grandes qui se mélangent à la foule ainsi que des petites motos. De temps en temps un équipage formé d'un âne et d'une charrette qui sert à transporter du matériel ou des passagers.

Le temps vint rapidement où il fallut trouver un endroit pour se restaurer. Je ne choisis jamais ou rarement ce qui est grand et lumineux, mais je recherche par habitude les petits espaces retirés dans lesquels on trouve souvent une cuisinière proposant tous les soirs des plats typiques.

Sans confort ni chichi, la cuisine est très bonne et le prix est raisonnable. Il est aussi le même pour tout le monde, que vous soyez touriste ou local. En général les plats sont autour de 1 euros, soit 650 F.

C'est aussi dans ces endroits que vous faites connaissances avec des gens intéressants. C'est grâce à eux que petit à petit, vous finissez par connaître ce qui est le plus important à savoir du quartier, de la ville et de ses alentours. Rentré à l’hôtel le ventre plein, il fut aisé de dormir rapidement jusqu'au lendemain.

Au bout de 2 jours, je fus invité à passer le week-end dans une autre ville importante à 200 km de Dakar : Touba. La route est longue et assez fatigante. Le mieux étant de prendre l'autoroute direct pour s'y rendre. Là, dans une très belle maison à étage, j'ai pu apprécier le calme de la campagne et l'hospitalité de l'homme qui m'avait invité. Un repas magnifique avait été préparé et était contenu dans un grand plat dans lequel nous avons tous manger, c'est la tradition. J'ai fait connaissance avec un plat typique qu'on appelle l'akh et qui se prononce l'ar. Préparé à base de millet, de quelques raisins secs, on le consomme avec un lait caillé, l'ensemble est sucré légèrement, un régal.

La ville de Touba est un très grand centre religieux du Sénégal où vivent 2 millions de personnes et où une des plus belles mosquée du pays a été construite. Chaque année elle rassemble 3 millions de personnes sur 2 jours de prières intenses où les fidèles se rencontre pour partager leur foi basée sur le mouridisme. Bien qu'initié récemment, au début du 20ème siècle, c'est le mouvement le plus populaire qui s'est formé au Sénégal. Moyennant un guide, il est même possible de visiter la mosquée et de prendre des photos.

La ville est plus à l'intérieur des terres et la température monte automatiquement. Ce jour, le 4 mars 2023 ,il faisait 39°. Sur le trajet on pouvait apercevoir une bonne partie de la flore de la savane Sénégalaise et surtout les acacias nombreux et les baobabs, arbres emblématiques du pays qui se détachaient nettement des autres par leur forme en bouteille avec peu de branches.

Le sol, séché par le soleil, fait de terre et de sable, laissait surtout transparaître les chemins formés par les habitants de ces régions et qui leur servaient à aller d'un village ou d'une habitation à une autre à pied, en âne ou en charrette. Quelques animaux d'élevages comme des chèvres, des brebis et des zébus essayaient de se repaître de ce qui pouvais rester de la végétation. Le retour à Dakar fut surtout caractérisé par des embouteillages monstrueux qui ne dérangent en rien les conducteurs de toutes ces automobiles.

Ce jour le 5 mars 2023 dimanche, je suis allé faire un tour pour boire un café. Ce sont de toutes petites échoppes dans lesquelles, à partir d'un produit local souvent, ils réalisent un café excellent. Ils ont l'habitude de rajouter des clous de girofle avec parcimonie pour lui donner un arôme particulier très appréciable. Pour accompagner cette boisson chaude, on peut choisir de se faire préparer une demie baguette avec des sauces divers, fabriquées maison qui formeront un très bon petit déjeuner. Le café est vendu 50F, ce qui correspond à 8ct d'euros.

Ce matin là, je m'étais assit sur les marches d'un bâtiment au soleil pour boire doucement mon café et manger avec vigueur ma baguette préparée, lorsqu'un homme m'aborda avec le sourire pour essayer de converser. Bien qu'il ne parla pas le Français , je compris qu'il me souhaitait la bienvenu et m'offrit un café avec une bouteille d'eau en me disant au revoir. Ce simple geste d'affection me toucha profondément et me laissa un agréable souvenir pour toute la journée.

Le quartier de Yoff à Dakar, est réputé pour ses pêcheurs et surtout pour les pirogues qu'ils réalisent pour partir à la pêche en mer. Leurs eaux sont réputées très poissonneuses. Ce sont de grandes barques en bois faites à la main sur place, mesurant parfois plus de 10m de longueur. Elles sont toutes peintes aux couleurs de leur propriétaire. Déposées le long de la plage de Yoff, les unes à côté des autres, elles s’étalent sur presque 1km. Ils partent en mer le matin ou le soir en fonction de la météo. Leur retour fait l'objet de beaucoup de mouvement lorsqu'ils ramènent les poissons qu'ils ont capturés. Tout un marchandage, un tri et une distribution s'organise alors.

Mon seul regret en voyant tout cela est la quantité de déchets qui jonchent les sols et ternissent la beauté de cette ensemble. Je suis toujours étonné de voir un manque de sensibilité évidente d'une grande partie des hommes, au regard de la nature qui nous nourrit tous avec générosité et qui pourrait être honorée de façon plus gracieuse.




le ciel bleu au dessus des nuages
seules les lumières des villes apparaissent dans la nuit
Le marché de Yoff
Taxi au couleurs de la ville en bon état
Restaurant le Garage
Cuisine du restaurant le Garage
Arrivée à Touba par l'avenue principale
Grande mosquée de Touba
L'akh, plat typique à base de millet
bus de transport en commun
rue de Yoff au marché
Les pirogues de Yoff
pirogues de pêcheurs à Yoff
boutiques du marché de Yoff


2ème semaine


Le plus difficile lorsqu'on arrive à l'étranger, c'est de savoir comment faire pour se nourrir sans trop dépenser d'argent tout en mangeant des produits locaux et des plats typiques. Le premier réflexe est d'aller dans un restaurant qui présente bien et de commander des plats en fonction de l'endroit d'où on vient en se disant: c'est beaucoup moins cher que chez nous. Celui qui peut se permettre cela dépense rapidement une somme d'argent considérable et inutile, car il est possible de consommer aussi bien, mais dix fois moins cher.

En Afrique en général, les particuliers préparent des repas ou des plats chez eux ou sur place qu'ils vendent ensuite. Certain ont une petite boutique en retrait qu'il faut chercher, d'autres juste une place en bord de rue avec une table des bancs et quelques affaires. Ce sont toujours des plats locaux tout à fait typiques, préparés comme ils les mangent, c'est à dire légèrement pimentés. Le plat est consistant. Si vous voulez du pain ou de l'eau, il faut le réclamer, quelqu'un ira vous le chercher. Ici au Sénégal, le plat tourne autour de 1 euros, soit 650 F. Ne cherchez pas à trouver les normes d'hygiène de chez vous dans leur cuisine, sinon vous serez déçus. Les plats sont préparés malgré tout avec attention et délicatesse. Si vous prenez l'habitude et si vous avez le courage de consommer de telles préparations, vous ne dépenserez pas trop d'argent dans les repas et vous serez content de faire connaissance avec des gens du coin. L'eau utilisée est globalement l'eau du robinet, dont la qualité dépend des villes dans lesquelles vous vous déplacez. Certains habitants et certains villages ont un puit dont ils utilisent la ressource.

La deuxième chose qu'il est important de comprendre, c'est comment se déplacer sans y passer sa fortune, car les routes ne sont pas bitumées partout, ni carrossées comme à l'Européenne. Si les voitures qu'on rencontre ici sont en mauvais état pour beaucoup, ça n'est pas seulement qu'elles sont d'occasion, mais parce que les routes sont faites de bitumes de terre et de trous, parfois importants. Beaucoup y laissent des roues des amortisseurs ou des ressorts, voire de la carrosserie.

Il faut donc choisir des transports en commun en fonction de ce qu'on peut supporter. Il y a les taxis officiels et officieux, les taxis partagés, les bus , les cars et le train. Ah, j'oubliais les motos taxis !, le transport le moins cher lorsque vous êtes en ville

Si vous supportez mal la proximité, il vaut mieux prendre le taxi. C'est le moyen de transport le plus cher, mais il vous amène où vous voulez. Vous pouvez discuter avec le chauffeur et lui demander des conseils, mais soyez attentif , vous devrez parfois marchander. Ce transport reste moins cher qu'en France certes, mais il demande un fort budget dans un voyage. Les taxis partagés sont moins chers de 3 à 5 fois moins. Vous devrez attendre qu'il soit plein pour partir et supporter la chaleur, car il n'y a pas de climatisation.

Le moyen le plus économique de se déplacer au Sénégal est le bus. Les bus desservent surtout les grandes villes et certaines régions de campagne. Ils s'arrêtent régulièrement toutes les 5 mn. Leur prix est souvent fixe par région. Autour de Dakar il est d'environ 100F à 300F soit de 15 à 45cts. Les véhicules sont très vieux et le confort est inexistant, ils sont en général remplis et les places assises occupées, mais pas toujours. Vous devrez supporter le trafic routier avec ses bouchons, la chaleur, l'odeur des pots d'échappement et éventuellement d'autres odeurs, les vôtres ou celles de ceux qui vous accompagnent, mais mieux vaut vous habituer rapidement, sinon vous n'irez pas loin. C'est en général le moyen qu'utilisent ceux qui voyagent au Sénégal. 

Le bus

Les cars sont ceux qui relient les villes entre elles sur des distances plus longues. Ils ne partent que lorsqu'ils sont remplis au complet, voire plus. Les prix dépendent des trajets.

Enfin, le train est un moyen d'échapper aux bouchons des grandes villes quand il y en a. Problème, il n'y en a très peu. J'en ai testé un ce matin, il était impeccable, spacieux, propre, conditionné. Le prix du ticket: 1000F, mais il ne desservait qu'une ligne de 30km environ, après il fallait prendre le bus...


Aujourd'hui, après une semaine je décide de quitter Dakar, sans aller trop loin d'abord. Je ne suis pas encore tout à fait habitué aux moyens de transport en commun du pays, donc je décide d'aller à Lac rose à une trentaine de kilomètres. Pour cela il faudra d'abord utiliser le train, puis le bus, un taxi partagé et enfin un autre bus pour terminer à pied.

Sur la totalité du trajet menant à Rufisque, 1ère escale, ce ne sont que des habitations. Très peu d'arbres, très peu de végétation. Des constructions, des chantiers des habitations de fortune. On s'attendrait à voir un peu de verdure, mais Dakar compte 3 millions de personnes, ce qui est considérable. La circulation y est aussi très importante et cela pour une raison simple, la ville est bâtie dans une presqu’île. Pour y entrer et en sortir, il faut passer par une bande de terre relativement serrée d'environ 5km de largeur, où tout le monde se retrouve les uns dans un sens et les autres en sens inverse.

L'arrivée à Rufisque ce fit après une demie heure. La ville est traversée par une artère centrale importante où aboutissent presque tous les bus et taxis. La foule est nombreuse et partout, la chaleur aujourd'hui n'est que de 32°, il n'y a pas de vent. 

Rufisque

Le premier réflexe en descendant du train, est d'acheter une petite bouteille d'eau très fraîche, ensuite de trouver de quoi manger. Les petites bouteilles d'eau au frais coûtent 100F, j'en prends deux dont une que je mets dans une poche spéciale que j'ai rajoutée sur mon pantalon.

Rue de Rufisque

Je trouve ensuite dans un couloir une pièce dans laquelle des femmes préparent ensembles des beignets. Je leur demande si elles peuvent me faire un plat rapidement. Ce sera du thon avec des oignons des pommes de terre et des piment avec une baguette 25OF. 

Cuisinières préparant des plats le jour de la femme

Je suis étonné de voir qu'elles sont habillées de manière originale toutes les trois. Elles me disent que c'est le jour de la femme aujourd'hui. C'est pour marquer cet événement annuel qu'elles portent des vêtements chamarrés rouges et blancs. Pour elles, c'est une journée importante et joyeuse qu'elles passent. Nous discutons un peu ensemble et elles m'indiquent la façon la plus économique d'aller au lac rose grâce à un taxi partagé, puis un bus et 1km à pied.

Ce soir, je vais dormir dans un camping, je serai dehors, sans tente et assez proche de l'eau.

La nuit fut difficile. Le froid m'a surpris et les moustiques étaient nombreux. Pas moyen de fermer l’œil. Au matin j'avais du mal à apprécier le soleil et le ciel bleu. Il m'a fallut la journée pour récupérer et attendre de faire une bonne nuit de repos arrivé au soir, mais cette fois dans une tente que le gérant me passa. 

Camping du Lac rose

Le camping est composé de quelques cases bien arrangées au milieu de divers espèces de plantes, arbres et arbustes. Je reconnaissais facilement une partie d'entre ces végétaux, mais un grand nombre m'était encore inconnu. Quel plaisir de voir que tout pousse ici avec facilité. Je mettrai sûrement du temps à connaître leur nom en Français, car les gens savent les nommer en Wolof, la langue du pays, mais pas en Français. Je resterai 3 jours avant de repartir.

Cases du camping du Lac rose

Plutôt que de faire de long voyage d'une ville à une autre, je choisis de faire en bus et en cars des portions de territoire ne dépassant pas 100km pour ne pas être trop fatigué, de m'arrêter 2, 3 jours, voire plus s'il y a des choses qui me semblent intéressantes et de repartir ensuite. De cette manière, j'ai le temps de faire connaissance avec les gens , les lieux et de faire des prises de vue pour mes vidéos ou pour des textes que j'écris.

Aujourd'hui, je décide de quitter le camping et les 4 personnes qui s'en occupent. Ils ont été très sympas avec moi pendant ces quelques jours et m'invitaient tous les soirs à partager un repas avec eux. Nous parlions d'un peu tout, mais toujours avec bonne humeur et sourire.

Avant de partir, je passe faire la tournée du village pour dire au revoir . Je prends un café Touba ( au clou de girofle ) et un sandwich aux oignons pommes de terre pour le voyage. Après une heure d'attente je monte dans le bus et me dirige vers Thiès, une grande ville carrefour pour quitter la partie ouest du Sénégal. Je traverse de nombreux villages dans lesquels les échoppes de marché et les petites boutiques n'en finissent pas de s'additionner les unes aux autres. Nous sommes samedi et la foule est nombreuse dans les rues. Il y a beaucoup de poussière et les rues des villes sont malheureusement chargées des détritus que les gens laissent tomber au sol avec tous ceux qui sont déjà là depuis longtemps. Il faut s'habituer à cela, car on retrouve ce phénomène aux abords de toutes les villes.

Le trafic est chargé et il faut être simplement patient d'atteindre sa destination. Je dois encore changer de bus pour prendre le car final qui m’emmènera à Thiès. Arrivé dans une gare routière où s'accumulent les cars, les bus et les taxis partagés, je trouve celui qui doit m'emmener. Il est plein à craquer et la dernière place se trouve à l'arrière du véhicule. 2500F, c'est le prix du trajet. Je suis coincé entre une dame assez forte à mes côtés et la vitre.

Je suis tout au fond du car

Mon fauteuil est au sol, je dois le récupérer ou choisir de rester assis sur une ferraille qui sert de support au fauteuil. Le choix est vite fait ! Malgré les embouteillages, nous avançons bon train. 2Heures pour faire 40km, la moyenne est bonne.

Le contrôleur marche sur les fauteuils pour se faire payer

Durant le voyage, les gens parlent, rient et certains s'amusent avec leur téléphone. Le paiement du trajet se fait en route. Un homme passe de place en place en marchant sur le dossier des fauteuils et en se tenant aux étagères à bagages. C'est très original. L'argent passe de mains en mains et tout se fait dans la bonne humeur encore une fois. Nous arrivons enfin et je dois descendre en bousculant tout le monde pour sortir, puisque je suis au fond du car et qu'ils vont tous beaucoup plus loin. 


3ème semaine


Thiès est une grande ville de 2700000 habitants, très dynamique. Elle est située à 70km de Dakar et se trouve au carrefour du pays entre le nord menant à st Louis et le sud , mais aussi entre l'ouest et l'est qui s'enfonce dans les terres arides. Je vais y rester 3 jours, mais je sais qu'il n'y a pas grand chose à voir ici. La carte mentionne bien une forêt sur la périphérie de la ville, mais c'est une étendue assez peu arborée et sèche à cette période de l'année. Elle ne verdit qu'à partir de juin, lorsque la saison des pluies commence. J'y ai vu néanmoins de très beaux baobabs. La température affiche 42°.

Dans la ville, seuls quelques arbres attirent mon attention, des margousiers ou neems d'abord. Ce sont des arbres qui atteignent facilement 15m en ville et dont le feuillage très important permet d'avoir de l'ombre. Cet arbre possède de nombreuses vertus. Il est facile à utiliser et ici les habitants s'en servent pour se nettoyer les dents et la bouche, grâce à ses vertus antiseptiques. De petits bâtonnets sont vendus un peu partout. Il supporte très bien la sécheresse et forme de belles fleurs blanches avec un parfum agréable en ce moment. Les fleurs se transforment en petits fruits ronds ressemblant à des olives vertes. Mûrs ils sont jaunes.

J'ai pu faire connaissance avec le gmélia qui est un arbre assez particulier aux feuilles en forme de cœur, qui donne des grappes de petits fruits ronds. On lui donne aussi comme nom, le teck blanc. Les manguiers sont comme dans les autres villes, énormes et en fleurs sur la partie supérieure. Les mangues commencent déjà à grossir et pour certaine à avoir la taille d'une petite pêche aplatie.

Parmi les autres arbres qu'on s'attend à voir dans cette partie de l'Afrique, il y a bien sûr les baobabs. Ce sont des arbres qu'on repère assez facilement au vue de leur forme originale, les gens ont tendance à les préserver.

Pour la première fois j'ai rencontré un épicier qui vendait de l'armoise séchée en petits paquets contre le paludisme. Il suffit d'en prendre pendant 2 jours lorsque vous vous sentez mal, pour que votre état redevienne normal. Le sachet de plante vaut 100F, il est à la portée de tous.


artémisia contre le paludisme en Afrique

Je reste 3 jours à Thiès avant de décider d'aller dans une ville plus petite à 70km de là. Pour partir, je choisis d'expérimenter les services des taxis motos qu'on appelle des Jakartas. La course ne coûte que 300F. Le conducteur roule bon train à travers toute la ville en frôlant tous les autres véhicules. Il faut éviter de bouger pour ne pas le gêner dans sa conduite. Au début, on se demande si on va arriver à bon port, mais on s'habitue assez vite à la conduite habile du conducteur. La conduite au Sénégal, comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique de l'ouest en général, n'est pas caractérisée par la rigueur du code de la route s'il y en a un, mais sur ce qui semble le plus pratique à faire, sans bloquer le passage des autres usagers de la route. Bien que tout semble aller dans tous les sens, il est très rare qu'il y ait des accidents. 

taxis motos appelés Jakarta à Djourbel

Le taxi moto m'amène dans une station où je prends un véhicule que je n'ai encore jamais emprunté. C'est une sorte de bus de brousse avec 20 places environ. Un très vieux Mercedès arrangé en bus.

une petite gare routière à Thiès

Je prends ma place et attend qu'on me dise que je suis arrivé. On s'arrête dans quelques villages et dans l'un d'eux, le conducteur prend le temps de manger, de boire et de faire sa prière. Après 30mn d'attente, nous repartons sous le soleil cuisant. Aujourd'hui il fait encore 42°. Me voici arrivé à Djourbel après 2 heures de route au total. C'est une petite ville, au milieu d'une terre semi aride regroupant un très grand nombre d'habitants ( + de 700000 semble-t-il ).

La ville est surtout traversée par la route nationale qui porte le trafic routier principal, mais qui sert aussi d'approvisionnement à tous les commerces et aux stations services. C'est là que naviguent les taxis, les bus, ainsi que les camions de transport. 

route principale de Djourbel

D'autres petites routes parallèles à celle-ci, voient un trafic différent se dérouler. C'est un défilé de charrettes servant aux transports des habitants qui n'ont pas les moyens de se payer autre chose pour se déplacer. Ce sont des attelages faits d'un ou deux ânes qui tirent une carriole suspendue sur un essieu de voiture. Ces attelages permettent aux habitants de la ville de rejoindre le marché pour faire quelques courses. Le transport a un prix fixe : 100F, sauf si vous êtes un Toubab ( touriste ), pour qui le prix peut être majoré.

charrettes transportant les habitants

On peut y mettre aussi bien des matériaux de divers natures que des personnes en nombre restreint. Ce sont des centaines de charrettes qui passent toute la journée. Toutes les routes parallèles mènent au centre de la ville, au niveau du marché où se regroupent tous les commerçants qui se comptent par centaines.

Il est assez impressionnant de voir autant de vendeurs de tout qui semblent ne pas vendre, mais qui sont présents, car il n'y a malheureusement pas d'autres alternatives pour gagner un peu d'argent. Je décide de m'arrêter chez une jeune femme qui prépare le tié bou dien, le plat du Sénégal. Il est composé généralement de riz accompagné d'un morceau de poisson, de deux feuilles de choux et d'une demie carotte, parfois certains y rajoutent d'autres légumes comme le tamarin, un fruit en forme de grappes qui est acide et sucré et dont on doit recracher les pépins. On s'assoie en arrière boutique sur un banc, la table étant constituée par un autre banc un peu plus large. Le plat est excellent et il est rare que j'arrive à terminer le riz. Aujourd’hui encore les températures sont supérieures à 40 degrés.

Je m'aperçois que je supporte mieux ces chaleurs que depuis que je suis arrivé. Je marche beaucoup dans cette ville qui est tout en longueur. Pour me protéger du soleil, je porte, comme au Maroc où les températures sont identiques en été, un bonnet en polaire qui isole bien mon crane des rayons du soleil. Je n'ai jamais d'insolation de la sorte, quelle que soit l'heure du jour.

Depuis que je suis là, j'ai fait la connaissance de nombreuses personnes avec qui j'ai pu discuter et faire plus ample connaissance. Entre autres, un professeur de cultures inter-ethniques qui enseigne en université, un activiste des plantes sauvages africaines nommé Pierre avec qui je partage l'usage traditionnel des plantes du pays et divers artisans dont Ibrahim, qui sont sur le trajet menant au centre ville. Leur capacité à parler le Français facilite ces échanges. En contre partie, ils m'apprennent quelques mots d'usage courant en Wolof.

Ce soir je suis invité à partager un repas avec un artisan qui semble exercer le métier de cuisinier à Dakar. Il vit ici, à Djourbel avec sa mère, mais travaille par période dans la capitale pour subvenir aux besoins de sa famille proche. Il m'explique que par tradition, tout le monde vit ensemble. Pas forcement dans la même maison, mais à proximité pour pouvoir se parler et partager les tâches importantes qui permettent à tous de vivre correctement. Il est 20heures lorsque j'arrive, il fait noir et un feu crépite dans lequel une marmite semble contenir le repas du soir. Nous passons une bonne partie de la nuit à discuter et à échanger des idées, tout en mangeant. Le repas est composé de légumes qu'il cultive dans un terrain proche. C'est un défenseur de la nature qui aime à préserver les ressources locales qu'il partage volontiers. La soirée passe vite et je rentre fatigué.


Ibrahim prépare le repas sur un feu de bois à même le sol

Le lendemain, je choisis d'aller habiter chez Pierre, l'activiste des plantes sauvages africaines. Il m'avait proposé de venir habiter dans une chambre de sa maison après m'avoir présenté à toute sa famille, ce que j'ai finit par accepter. Il vit comme beaucoup ici, dans une maison dans laquelle les finitions ne font pas partie des nécessités. Les portes et les fenêtres ne sont là que pour marquer des passages d'air et des transitions dans nos déplacements. La lumière se résume à ce qui est juste utile lorsqu'on reste le soir à discuter, alors que la température descend petit à petit et rend la respiration plus facile et agréable. Les gens se couchent tard en général, car c'est le seul moment de la journée où il fait frais.

Je prends possession de la chambre avec un grand lit, un lavabo et un WC pour moi seul. J'ai aussi une table et un fauteuil pour écrire et travailler sur mon ordinateur, avec une prise de courant. On peut dire que c'est un luxe auquel je ne m'attendais pas, mais qui me réjouit sachant que cela va faciliter mon travail en général ainsi que l'écriture d'un nouveau livre sur les arbres d'Afrique qui permettent de survivre et de se soigner.

C'est un ouvrage que j'envisageais depuis longtemps et que j'avais commencé, mais pour lequel j'avais besoin d'être sur le terrain pour voir, constater, étudier et photographier personnellement ces arbres. Il était aussi nécessaire de questionner ceux qui se servent encore de ces végétaux propre à entretenir la vie, même dans les milieux les plus durs. Je n'aime pas répéter ce qui se dit dans les livres, comme aiment à le faire certains. Je préfère découvrir par moi-même et confronter ce que j'expérimente avec ce qui est dit ailleurs, cela me semble bien plus constructif et parfois utile. On s'aperçoit alors très vite que beaucoup d'ouvrages ne sont que du copié-collé savamment arrangé, mais insipide à la lecture par manque d'expérience personnelle et de contact réel avec le sujet. 

ma chambre chez Pierre, l'activiste des plantes sauvages africaines

4ème semaine


Aujourd'hui, Pierre me propose d'aller rencontrer une femme qui a bâtit sur 1 hectare, un ensemble qui compte des bâtiments respectueux de l'environnement selon les modes de construction anciens, mais améliorés par des matériaux modernes et surtout ce qui m'intéresse, un grand jardin ou parc dans lequel sont implantées de nombreuses espèces végétales Sénégalaises. Pour cela nous devons prendre une charrette, sortir de la ville et pénétrer en partie dans la savane. Après une demie heure de route, nous descendons devant la porte qui donne accès au parc de cette personne.

Les bâtiments sont ravissants et bien aménagés. Ils conservent les formes anciennes des cases africaines, améliorées par des méthodes d'assemblages plus durables. La propriété possède son propre puit et une source d'électricité solaire qui assure l'eau en permanence ainsi que le courant électrique dans les quelques appareils que compte l'ensemble, surtout des réfrigérateurs.


La visite du parc se fait avec Pierre qui sert de guide et qui me permet d'avoir le nom des plantes en Français et en Wolof, ce qui est nécessaire pour moi lorsque je fais des recherches sur les plantes que je connais mal.

Nous discutons avec la propriétaire du devenir des plantes sauvages en Afrique avec la pression des vendeurs de végétaux occidentaux qui cherchent à faire en Afrique ce qu'ils ont fait en Europe, c'est à dire une diminution drastique des espèces endémiques dans les cultures pour des plantes modélisées et stéréotypées européennes. La perte de qualité végétale est vertigineuse évidemment, mais l'attrait de la facilité des semences programmées se fait sentir chez ces populations pauvres qui méconnaissent la richesse de la flore qui les entourait jadis.


case africaine modernisée

La visite s'effectue sous la canicule, mais est entrecoupée par une sieste dans une case très confortable aménagée de deux grands lits. Chacun prendra ses aises pendant 2 heures, le temps de récupérer. Le travail de cette femme a été remarquable et nous nous quittons en soirée, fatigués d'avoir déambulé au milieu de son petit paradis.

Le repas du soir excellent, était composé de poissons roulés en boulettes qu'ils appellent « farcis » tout simplement. La fraîcheur du soir nous redonna la force de discuter jusque minuit des possibilités qui s'offraient peut-être dans certaines régions de redonner vie à des villages, grâce à des initiatives personnelles de petites envergures. La nuit fut douce, calme et reposante.




Le lendemain fut très calme et je me bornais à monter une vidéo qui devait être la première d'une série que j'espérai fournie. L'après-midi se passa à l'ombre à discuter en partie avec mon hôte sur la nomination française de certains végétaux qu'il m'était difficile d'identifier. Nous avons bu une bonne quantité de bissap, ce qui me valu d'aller aux toilettes plus souvent. A l'avenir, il faudrait que je sois plus modeste sur cette boisson excellente, mais très active.

Une nuit passa encore calmement et je décidais de sortie pour prendre quelques photos d'arbres qu'il m'avait été difficile jusqu'à présent de côtoyer. En passant je m'arrête dans une boutique pour changer un peu d'argent et sans prendre garde, en me retournant, je me retrouve nez à nez avec ces vaches africaines qu'on nomme des nacks. Ces animaux en impose par leur corpulence et surtout par leurs cornes extraordinairement grandes. Bien qu'elle paraissent très nonchalantes, une certaine prudence s'impose d'office. Les vaches sont en liberté totale dans la ville, lorsqu'elles rejoignent leurs quartiers et traversent les rues sans se soucier de ce qui arrive. Heureusement tous les véhicules leur cèdent le passage le temps qu'elles passent. Je les observe avec intérêt pendant les quelques minutes qu'il leur faut pour changer de trottoir, car ce sont vraiment de très beaux animaux.


vache africaine nommée nack

En général, lorsqu'on sort en balade dans ces lieux si chaud, on évite totalement les horaires compris entre 14h et 17h. Ce sont les périodes de la journée les plus chaudes. S'il fait 4O° à l'ombre, il faut tout de suite rajouter au moins 10° de plus au soleil, ce qui limite la durée des déplacements. C'est pendant ce laps de temps que vous mangez et que vous faites la sieste si vous en avez besoin.

Comme dans la plupart des cas, après une journée de prise de vue, je passe une partie de ma soirée à classer et à choisir des photos. J'essaie ensuite de rédiger le plus important de mes activités de voyageur et je bâtis mes fiches détaillées sur les arbres qui composeront l'architecture de mon prochain livre.

Chaque jour qui passe me permet d'apprécier cette famille qui m'accueille. La maîtresse de maison me prépare presque tous les soirs des plats typiques du pays, de telle sorte que je suis repus et prêt à dormir comme un bébé. Aujourd'hui le dîner fut habillé d'un tié bou dien blanc. Blanc, parce qu'il ne contient pas de tomates.


tié bou dien blanc

Impossible à chaque fois de finir mon assiette, d'ailleurs au bout de 2 jours, nous mangeons tous dans le même plat, comme cela se fait en Afrique en général. J'aime cette façon de faire familiale dans laquelle la notion de partage prend une grande place, méthode similaire dans le Maghreb où j'ai passé beaucoup de temps les années passées.

Lorsque quelqu'un vient en Afrique, se pose toujours un problème. Il faut savoir ce qu'on va faire pour éviter les moustiques. Ne pouvant les empêcher d'être présents, il faut surtout se préserver de leur piqûres. Certains se munissent de produits plus ou moins naturels, mais assez peu efficaces dans l'ensemble, je ne fais jamais ce choix. Je tiens compte des horaires de la journée pour savoir ce que je porte et pour éviter certains endroits. Les horaires les plus difficiles sont à partir de 19h jusque vers 22h. Je m'habille alors en conséquence avec des chaussettes qui masquent mes chevilles, ce dont les moustiques raffolent et je mets un maillot épais à manches longues et à colle élevé. De cette façon , j'ai très peu d'ennuis avec ces insectes avides de sang. Il semble aussi que les endroits bien éclairés et les vêtements blancs leur soient moins accessibles. Dans la mesure du possible, je dors avec une moustiquaire.

La nuit se passe sans problème et je m'aperçois que je dors très bien malgré la chaleur du jour. Ce matin je me réveille un peu plus tôt et décide de faire ma première sortie dans la savane pour faire des prises de vue bien sûr, mais surtout pour voir comment je réagis face à la chaleur permanente et la marche sur le sable qui est partout ici. L'objectif étant de préparer un trek pour les jours qui viennent, si je trouve un parcours intéressant. Je prends juste avec moi une petite bouteille d'eau et des jujubes. Les jujubes sont riches en vitamines et se mangent comme des petits bonbons en marchant. 

baobabs, rôniers, kadds

Je croise de nombreuses espèces d'arbres parmi lesquelles, l'acacia Sénégal, le kadd africain, le dattier du désert, les baobabs, les rôniers, des euphorbes et un acacia faux gommier magnifique tout en fleurs qui embaumait son entourage et attirait les abeilles en grand nombre.

savane africaine semi aride

Quelques écureuils africains s'échappaient devant moi et de nombreux oiseaux me faisaient savoir avec force, qu'ils étaient présents. Presque tous ces arbres sont des bienfaits que la majorité des jeunes Sénégalais ne connaissent pas, malgré le fait qu'ils les accompagnent tous les jours. Leurs parents sont souvent désolés de voir qu'ils passent plus de temps à s'intéresser au foot qu'à la nature qui les porte. Eux-mêmes commencent à oublier la façon de s'en servir, mais savent très bien que leurs parents en faisaient usage régulièrement avec beaucoup de résultats.

Ici les animaux d'élevage paissent en toute liberté. Leur berger les accompagnent de temps en temps, mais on ne les rencontre à peine. Parmi tous ces animaux , les plus impressionnants sont les vaches avec leurs énormes cornes à faire pâlir d'envie les Salers d'Auvergne. 

un nack avec sa parure magnifique

Après 2h30 de repérage et de photos sous un soleil cuisant, je décide de rentrer. Une certaine fatigue se fait sentir, due au fait que je n'ai pas mangé ce matin. Il faut dire que c'est le premier jour du ramadan et je n'ai pas souhaité gêner mon ami pour qui le jeûne va devenir quotidien. Ils ne peuvent ni boire ni manger jusqu'au soir après le coucher du soleil. Je vais donc me mettre à l'ombre dans ma chambre, classer mes photos, écrire et attendre le soir pour partager un repas mérité tous ensemble.

Chaque jour qui passe me rend conscient de la pauvreté de ces gens que je croise lors de mes déplacements à l'extérieur de la ville. Chacun tente de trouver de quoi manger au moins à sa faim par une activité quelle qu'elle soit. Pour faciliter l'achat de ce qui pourrait être nécessaire, les épiceries vendent des portions individuelles contenues dans des plastiques dont le prix ne dépasse pas 100F ( 17cts ). On peut avoir du sucre, du lait , du beurre ou de thé, voire d'autres denrées. C'est là où l'insensibilité de ceux qui pourraient modifier, même un peu cet état de choses est criante. Nous savons que nous sommes tous un peu coupable, mais ce mot nous dérange.

Lorsqu'on part dans la savane, il y a une chose qui est d'abord étonnante bien qu'ensuite on s'y habitue naturellement, c'est le chant des oiseaux. Il y a une très grandes variétés d'espèces possédant des cris assez originaux. Hors mis les corneilles reconnaissables, mais plus grosses, qui font beaucoup de bruit lorsque vous vous déplacez, comme si elles avaient pour tâche de prévenir les autres de votre présence, presque tous les autres volatiles me sont inconnus. Leurs chants et leurs colorations ont un goût d'exotisme très prononcé. On s'aperçoit vite qu'on est bien loin de la France.


oiseau aux reflets bleus

Déambuler dans la savane est assez fatigant du fait de la chaleur et du sable, mais cette activité procure une joie profonde dans laquelle il est possible au moins en partie, de découvrir des espèces sauvages végétales et animales qui peuplent ces endroits. On passe facilement du temps à ne rien faire, qu'à regarder paître un troupeau de chèvres ou chanter des oiseaux cachés là tout près de soi sans qu'on puisse les voir. On se laisse bercer par le vent qui passe à l'ombre d'un acacia ou d'un kadd et qu'on est allongé sur le sable du sol alors qu'il fait plus de 50° au soleil. On oublie tout aussi facilement le monde des cités organisées qui nous détachent qu'on le veuille ou non, de la beauté qui se cache à l'extérieur. On aimerait vivre libre dans la nature, mais on a peur de quitter ce qui nous facilite la vie et nous attache.

L'Afrique est un beau et grand continent, mais c'est une terre où il faut être déjà très solide physiquement et psychologiquement. La fragilité de beaucoup d'entre nous ne résiste pas devant la réalité qui s'étale devant nos yeux lorsqu'on partage le quotidien de ceux qui la peuple. La vie misérable et la crasse qui s'entasse dans certaines villes produit une réaction de rejet qui semble difficile à dépasser. Il faut savoir regarder au delà des apparences pour apprécier ce monde, très diffèrent du nôtre.


quartiers périphériques

Ces deux derniers jours ont été terriblement chauds. Je n'ai pas eu d'activité particulière, car la chaleur dissipe rapidement les projets. J'ai simplement passé du temps allongé dans mon lit avec le ventilateur qui me donne un peu de vent malgré tout. Seul le soir, grâce à sa fraîcheur naturelle permet d'avoir des discussions tout en buvant des boissons . 

avec Pierre

5ème semaine


Voila plus d'une semaine maintenant que je suis chez Pierre et presque un mois depuis mon arrivée à Dakar. J'ai facilement adopté le mode de vie de la plupart des gens. Le lever du matin n'est jamais tôt et se prolonge par le café et un sandwich au beurre que je trempe volontiers dans ma tasse. En fait de beurre il s'agit de graisses hydrogénées. C'est moins goûteux, mais on finit par s'y habituer. Ce sont les seuls aliments pour aller jusqu'au repas de midi, qui jusqu'ici n'a jamais été avant 15h. Si vous avez des activités à faire le matin, il vaut mieux ne pas rater ce petit en-cas, sinon la fatigue arrive très vite avec la chaleur qui se fait sentir dès 11h. Vous avez néanmoins la possibilité de vous acheter un autre sandwich, mais si vous commencez à trop manger, vous avez rapidement une lourdeur qui s'installe en vous comme si vous aviez fait un repas de fête et une envie de vous allonger pour la calmer et vous ne faites plus rien. La chaleur catalyse le fatigue rapidement. 

Pierre dans sa cuisine

Il faut somme toute, trouver un équilibre non par rapport aux autres, mais par rapport à vous. Le corps une fois trouvé son régime de croisière, vous permettra d'être opérationnel toute la journée, pas à la vitesse d'un train de grandes lignes, mais plutôt à celle du train de banlieue qui s'arrête à toutes les gares. Il ne faut pas être pressé.

On est parfois étonné de voir les Africains marcher avec lenteur et décontraction extrême, mais cette apparente nonchalance est la vitesse à laquelle on finit tous par arriver en fin de compte pour que notre corps reste actif sous cette chaleur.

En dehors de ce petit déjeuner, il y a 2 repas et parfois un seul, si vous n'en avez pas les moyens. Ils se déroulent toujours en famille et se font dans un plat unique dans lequel la tradition indique de manger avec les mains, mais par respect pour les toubabs, les étrangers, on vous donne une cuillère. Chez Pierre, nous sommes 6 à manger. Tous ne sont pas toujours présents. Le repas du soir est assez tardif, vers 22h. A cette heure là, le vent a fait son entrée et manger dehors devient agréable. De 40° à l'ombre dans la journée, vous descendez à 27° et vous avez alors l'impression de vous sentir légers.

La cuisinière à charbon de bois qui sert à cuire tous les repas

En général, ils prolongent le repas par des cafés et des discussions et ne s'endorment pas avant minuit, 2h du matin. Je ne les accompagne pas dans cette dernière partie de la journée, car après celui du matin, je ne bois pas de café dans la journée et je me couche vers 22h en général.

Je commence à envisager de partir, car j'ai beaucoup visité l'entourage de la ville et sa savane, mais je commence à tourner en rond pour la découverte de nouvelles plantes sauvages que je n'arrive pas à trouver. Comme je me trouve dans la partie nord du Sénégal, certaine plante n'ont pas encore commencé leur croissance et attendent la saison de pluies pour sortir de terre. Il faut donc que ce soit moi qui descende plus au sud, vers la Casamance pour les rencontrer et les étudier de près. 

la savane semi aride avec ses kadds, à gauche un baobab
des pélicans sur une pièce d'eau

Bien que la majeure partie des habitations possède l'eau courante dans les villes et villages, la plupart des gens achète de l'eau de puit. Ils font très bien la différence entre le goût et la qualité médiocre de l'eau du robinet et celle qu'ils ont toujours bu dans les puits creusés autour de toutes les agglomérations. Celle-ci est effectivement douce et agréable à boire alors que l'autre est tellement chlorées que son odeur suffit à vous dissuader de boire. De fait, il y a toute la journée, des charrettes dont la fonction est de vendre de l'eau dans des bidons de 20 litres que vous rendez lorsque vous les avez vidés. Le prix est de 100F. 

le porteur d'eau avec sa charrette

Cette semaine, les températures sont remontées. Il est même prévu qu'elles atteignent les 44° à l'ombre. Dans ces cas là, le seul moyen de pouvoir exercer une activité quelconque est de se lever plus tôt et de profiter des températures plus douces de la matinée. En général, je me réveille vers 7h, mais je ne me lève pas avant 9h30. On a tendance à vouloir récupérer sur le matin ce qu'on a pas pu avoir dans la soirée à cause de la chaleur caniculaire. Cela me laisse suffisamment de temps pour sortir ou pour écrire ou travailler mes vidéos jusque 13h. Après, cela va dépendre de l'état dans lequel je suis et des opportunités qui s'offriront à moi, mais par priorité j'éviterai de sortir.

Lorsqu'on arpente les villes avant 1Oh le matin, seuls quelques artisans travaillent déjà. Les métalliers, les ébénistes, les livreurs d'eau, les stations service, mais on ne sent pas comme en Europe ce fourmillement d'énergie qui est dépensé pour construire la vie de la cité. Les commerces ne sont que de petites échoppes qui ressembles souvent plus à des dépôts qu'à des boutiques dans lesquelles notre curiosité pourrait se sentir à l'aise. On se demande même ce qu'il est possible d'acheter, tant la présentation est réduite à son minimum. Dans les faits, chacun sait déjà ce qu'il achète et n'a besoin de rien d'autre et le vendeur connaît bien les besoins de ceux qui viennent dans sa boutique. Il devient donc inutile de passer son temps à faire de belles présentations et de tenter l'acheteur potentiel. Il n’achètera pas plus, car il n'en a pas les moyens ! Certaines boutiques se résument à 3 tôles, un toit et 1 ou 2 bancs pour poser ce qui est à vendre. Le vendeur est assis ou allongé par terre. Il n'y a pas de grands magasins, pas de grandes surfaces, tout est individualisé. Je n'ai vu que 3 supermarchés depuis que je suis au Sénégal.

C'est aussi à cette période que se font la majorité des déplacements en charrettes. Il semble que ce soit au marché que doivent se débuter une journée bien remplie. On se rend vite compte que toutes les mères de famille s'y précipitent afin d'acheter ce qui fera l'objet du repas familiale. Comme les habitations ne sont pas équipées de matériel électroménager de conservation et qu'il n'est pas coutume de faire des stocks, le trafic journalier menant au marché reste important.



entrée du marché
une rue du marché

Une autre chose marquante. Il y a beaucoup de jeunes enfants. C'est très agréables. Cela se manifeste surtout lors des sorties d'école. Les rues se remplissent alors pendant l'espace d'une demi heure d'un nombre considérables de jeunes enfants de 6 à 16 ans semble-t-il, autant filles que garçons. Ils ne crient pas, ni ne courent dans tous les sens, mais suivent leur chemin en empruntant les trottoirs les uns derrière les autres. Certains sont habillés de manière identique supposant qu'ils proviennent de la même école.

L'activité la plus populaire et la plus pratiquée par les enfants est le football. Dans quelque quartier que vous alliez, vous trouvez des enfants jouant au ballon, formant des équipes qui s'affrontent. La balle n'est pas toujours réglementaire, car elle dépend de la richesse des parents, mais ce qui est rond et dans lequel on peut taper fait très bien l'affaire. Lorsqu'ils ne peuvent jouer, les plus grands le font sur leur téléphone, grâce à des jeux, mais pour ceux qui ont la télévision, les matchs font partie des programmes les plus regardés.

quelques cases traditionnelles dans un quartier de la ville

Depuis que je suis en Afrique, j'ai perdu un peu de poids. Cela est du à la chaleur et à la quantité plus réduite de nourriture que j'ingurgite, mais aussi au désire que j'avais de me nettoyer un peu. Je pensais faire un jeun d'une semaine avant de partir, mais les éléments en ont décidés autrement. J'ai choisi cette façon de faire qui est plus naturelle et qui consiste, grâce à la chaleur et la diminution de la faim qui s'y attache, à laisser mon corps évacuer ce qu'il veut jusqu'à atteindre un poids d'équilibre. J'aurai tout lieu de reprendre ce dont j'ai besoin en rentrant en France.

Marcher dans la savane est assez agréable, mais demande un effort beaucoup plus important que de se déplacer sur un sol de terre tassée. Le sol est surtout composé de sable ce qui imprime un petit recul à chaque pas fourni. Il faut entrevoir d'avance les point de repos à l'ombre qui seront nécessaires. Les arbres qui ont assez d'importance et qui sont fournis en feuilles seront à préférer, que ce soient des kadds ou des acacias. Il suffit de rester 10 à 15 mn à l'arrêt et à l'ombre pour avoir une progression importante sans trop se fatiguer. Dès que vous restez un peu trop au soleil, la fatigue vous gagne très vite, car le corps n'a pas le temps de compenser la chaleur qu'il accumule lui aussi dans cette fournaise.


savane africaine

La topographie des sols est presque toujours plane, il n'y a pas de grosses collines, les difficultés ne sont pas à ce niveau. Jusque 11h, vous n'éprouvez pas trop le besoin de boire. C'est à partir de midi, si vous êtes parti le matin que vous devrez gérer votre bouteille d'eau, car on ne part pas sans eau. Si c'était le cas, vous seriez bloqué par la fatigue sous un arbre pendant une durée très longue avant de repartir. Je me suis cousu pour ce voyage au Sénégal, une poche à cet effet sur le côté de mon pantalon de trek. Je peux y mettre 2 bouteilles de 400ml, ce qui est suffisant pour une journée si vous ne rentrez pas trop tard. Il faut boire par petite touche et éviter par réaction de boire votre bouteille d'un seul trait.

En savane on rencontre de temps en temps des bergers qui emmènent leurs troupeaux d'un coin à un autre. Je me demande ce que mangent leurs bêtes, car à cet époque de l'année et cela pendant près de 8 à 9 mois , il n'y a pas d'herbe verte. Seul ce qui est grillé par le soleil apparaît comme une nourriture probable pour eux. Certains animaux arrivent à manger les feuilles basses de quelques arbres, souvent des dattiers du désert. 

berger menant ses nacks dans la savane

Comme je l'ai déjà dit, beaucoup d'oiseaux vous accompagnent en marchant et de temps en temps. Ils se mettent par groupe au sol dans l'ombre des arbres. Au début, on y fait pas attention, on ne les remarque pas et ensuite on se plaît à les regarder faire. Ils passent de l'ombre d'un arbre à un autre en sautant tous ensemble, comme dans un ballet, c'est très joli. Si vous avez une bonne vue, des écureuils passent devant vous par a coup, en sautillant pour se cacher dans des euphorbes géantes. On a du mal à les apercevoir , car ils se fondent bien avec la couleur des sols, mais il y en a souvent. 

si vous avez de bons yeux, vous verrez l'écureuil des savanes

6ème semaine


Les au revoir sont parfois difficiles, mais l'amitié qui se forme après avoir partager de nombreux moments en commun donne toujours l'impression que cette séparation n'est pas définitive. Sur le plan physique, elle l'est forcement puisqu'on est séparé par de grandes distances. Sur le plan affectif, elle dépend de l'importance qu'on aura donné à cette relation et des moyens qu'on utilisera pour la préserver. Dans ce domaine, je laisse la vie me donner les opportunités qui orienteront le devenir de ce qui n'est plus qu'un souvenir. 


Fatou, la femme de Pierre

Après avoir bien regardé la carte du Sénégal et fait le choix de l'itinéraire, je décide d'abord d'aller à Kaolack. C'est à 70 ou 80km de Djourbel, la distance n'est pas trop longue pour être supportée sans fatigue excessive. Je décide de prendre un taxi partagé. Nous seront 7 personnes, plus le chauffeur dans une Peugeot 504 break surélevée. On ne se rend pas compte de l'état de la voiture, mais on constate tout de suite que c'est un modèle très ancien, auquel on a fait subir des transformations de toutes sortes pour arriver jusque là. Le prix du voyage est de 1700F + 500F pour le sac à dos. J'ai la tête dans le plafond, car je suis tout à l'arrière du véhicule. Le chauffeur, qui est aussi mécanicien ressert une durite d'injecteur avant de partir, referme le capot et nous voilà sur la route. Une odeur de gazole parfume doucement l’habitacle du taxi pendant que nous avançons vitres ouvertes. 

discussion du prix avec le chauffeur

Nous traversons la ville et je m'aperçois à quel point celle-ci était étendue. Toujours très populeuse et surtout en mouvement, sans qu'on puisse vraiment comprendre le sens de tout ce mouvement, car il faut se rendre à l'évidence, la construction globale des besoins de cette population est axé différemment de celles de nos cités Européennes. Sans chercher à comprendre, je me contente de me laisser bercer par ce tohu bohu et regarde cela comme on regarde un film documentaire. Le chauffeur est expérimenté et évite toutes les situations qui pourraient bloquer le trafic. Ne se souciant ni du sens de conduite, ni des indications peintes au sol, il avance doucement mais sûrement vers la sortie. La route est bonne, bien goudronnée. De temps en temps, nous évitons quelques trous, mais assez peu dans l'ensemble. Bercé par les mouvements du véhicule produits par le fait qu'une roue, voire toutes, ne doivent pas être bien rondes, je repense au film de Fernandel dans lequel il emmène la fille du puisatier dans son automobile...

Le moteur tourne bien et nous avançons bon train sur cette route qui traverse la savane. De temps en temps, nous nous arrêtons pour qu'un ou plusieurs passagers sortent et soient remplacés par un autre. Nous arrivons enfin à Kaolack, qui est manifestement une ville très populeuse. Présentée comme ayant une population de plus d'un million d'habitants, cette ville est située sur un axe routier important. Au sud, c'est l’accès à la Gambie et à la Casamance par le pont de Farafenni, à l'est la direction menant à Toubacounda une des villes les plus importantes et les plus chaudes du pays.

Je ne pense pas rester là bien longtemps, juste le temps de me reposer et d'écrire un peu. Il faut aussi que je prépare la suite du voyage. J'ai trouvé une auberge où la chambre est à 16000F avec tout le confort. Air conditionné, salle de bain, wi-fi, du luxe pour un voyageur comme moi. Deux jours me suffiront pour me mettre à jour, je sais au moins, que je dormirai bien. 

fabricant de sommiers à lattes avec des rôniers

Je suis parti de Kaolack sous la chaleur avec mon sac à dos. Sur le chemin, je fus interpellé par le travail d'un homme qui taillait la tige des feuilles de palmiers rôniers pour en faire des lattes de sommiers. Celles-ci sont très dentées et naturellement blessantes. Une fois rendues inoffensives, les tiges étaient fixées l'une en sens inverse de l'autre, côte à côte sur le châssis d'un sommier fait de branches coupées de margousiers ( le neem). L'ensemble était très étonnant et aurait demandé à être essayé, mais je n'avais pas le temps pour cela.

Je pensais changer de l'argent dans une station service, mais la boutique était fermée. Dans ce cas là, la seule solution accessible est qu'il y a souvent un pompiste qui se charge de faire ce travail à son compte, pour améliorer ses revenus. Après s'être entendu sur un prix, l'affaire est promptement menée, je repars avec un peu d'argent du pays. Le car pour Kafrine va partir, le chauffeur m'appelle, je paie et je me dépêche de monter. En général, ces cars sont impossibles à prendre, car toutes les places sont réservées, mais cette fois ci, il devait y avoir un désistement ou une absence. Ce genre de car est climatisé, il n'y en a pas beaucoup et bien que d'habitude le progrès ne m'attire pas vraiment, je dois avouer que cette fois-ci, j'ai apprécié ce voyage jusque Kaffrine, une ville intermédiaire entre Kaolack et Toubacounda, la porte de l'Afrique de l'ouest.

Rouler à travers la savane dans la fraîcheur et sans bruits de moteur est un luxe assez rare qu'il faut apprécier. Devant mes yeux défilent les paysages arides qui habillent l'horizon de ces contrées lointaines et difficiles. De temps en temps des bergers habillés de bleu comme les Touaregs du Maroc du sud ou de la Mauritanie nous regardent passer. Leur troupeaux habitués à voir et entendre les automobiles passer, ne lèvent même pas les yeux, trop occupés qu'ils sont à trouver de quoi se nourrir parmi toutes ces herbes desséchées. Kaffrine apparaît au loin. Le car prend le temps de me laisser sortir et repart aussitôt, chargés de tous ces voyageurs.

superbe car climatisé pour Kaffrine

Kaffrine est une petite ville dans laquelle on ressent un manque d'activité évident. Elle ne possède pas non plus d'attraits particuliers qui puissent donner envie de séjourner ici quelques jours. Seule la rencontre d'un traducteur Français-Chinois fut intéressante. Originaire du Burundi, il me racontais comment pendant plusieurs années il a travaillé avec les chinois dans nombres de transactions commerciales entre l'Europe et la Chine pour quitter son pays et essayer de se faire une situation plus stable. Il m'avouait que ce sont des gens assez durs et peu sensibles à la condition humaine. Dès qu'il a pu, il est parti ailleurs continuer sa route en passant par l'Afrique à nouveau, mais pour aller en définitive au Canada, Terre d’accueil semble-t-il de nombres de ses compatriotes.

Le lendemain, bien décidé à partir tôt, puisque rien ne me retient ici, je me dirige vers la gare routière, qu'on appelle ici, « garage ». Si vous voulez prendre un moyen de transport, quel qu'il soit c'est là qu'il faut aller. Je monte dans une charrette et traverse une bonne partie de la ville, et me voila une demie heure après à garage. 

je suis monté dans une charrette pour aller à

Je suis tout de suite accosté par plusieurs équipages et leurs propositions de voyages. L'un 2500F, l'autre 1500F, le tarif du troisième m'a échappé, car j'avais déjà décidé de prendre le bus à 1500F. Mon budget étant très faible, pour les transports, c'est le prix qui décide souvent. Je m'installe devant, il n'y a presque personne. Le car peut contenir jusqu'à 25 personnes, il ne part pas avant d'avoir fait le plein de voyageurs. L'attente dura 3heures avec en prime, un véhicule qui ne dépassait pas les 60 km/h et des vibrations à en perdre des os. Le plaisir d'arriver à destination l'emporte toujours sur les difficultés qu'il faut assumer.

Aujourd'hui ma destination est Koungheul, petite ville de moins de 200000 habitants tout en longueur, mais agréable à vivre semble-t-il. Je décide d'y rester une semaine environ. Son emplacement me semble approprié pour voir de nouvelles plantes indigènes, mais aussi pour envisager une journée de trek. J'ai passé un mois à me préparer et je commence à sentir que je peux passer une journée en extérieur malgré les 40° qui s'affichent constamment. La survie en milieu difficile, doit être préparée surtout au niveau du corps et de l'esprit. Il faut connaître ses limites et les respecter au mieux. Tout dépassement peut se payer cher, mais lorsqu'on en est conscient, cela ne pose aucun problème, car il ne s'agit en rien d'une compétition, mais d'une harmonisation avec le milieu dans lequel vous êtes. Il n'y a pas de combat. Ceux qui y voit une lutte, s'installent dans un comportement égocentrique qui ne leur permet pas de fusionner avec l'ensemble de ce qui les entoure. Apprendre de ce qui est inconnu, permet de développer une sensibilité qui est la base de la relation à l'autre, quel que soit cet autre. C'est ce qui nous enrichit et donne à la vie tant de charme.

savane africaine vers Koungheul

J'ai constaté dans le car en venant, qu'il y avait des singes sur le chemin. Ils semblaient plus petits que les magots que j'ai rencontré au Maroc et j'ai lu que c'était une ville qui organisait régulièrement des journées de chasse dans les entourages, ce qui indique que la région est assez sauvage, c'est tout à fait ce que je recherche. Parmi les animaux chassés, les phacochères, des pintades indigènes et le lièvre d'Afrique... Parmi les rencontres originales qu'on peut faire, il y a les termitières. Dans cette régions, elles sont assez fréquentes. Elles se présentent sous la forme d'un tas de sable et de terre qui semble s'écrouler sous le poids du temps. Certaines, font près de 2m de hauteur tout de même. Je n'ai pas encore été les approcher puisque j'arrive, mais je le ferai sûrement prochainement lors d'une de mes sorties. 

savane africaine vers Koungheul

Je me suis installé dans une auberge, où j'ai pu trouver une chambre ventilée à 12500F. J'ai à peu près tout ce dont j'ai besoin sauf le Wi-Fi,  un lit, une table, une chaise, un lavabo et un WC. Le propriétaire arrive demain dimanche, ce sera l'occasion de marchander pour avoir l'air conditionnée si possible à moindre prix. C'est une habitude au Sénégal de voir le patron vouloir négocier avec vous votre séjour dans son établissement. Je n'ai jamais eu de problème avec eux partout où je suis allé jusqu'à présent. La négociation le lendemain a eu lieu et j'ai fini par avoir une chambre avec air conditionné pour 14000F (prix de départ: 17500F). Je m'estime content. En choisissant de rester ici, je me suis placé à près de 20km de la frontière de la Gambie, où je désire ensuite me diriger.


7ème semaine


Après 6 semaines de voyage, j'ai voulu faire le point du trajet parcouru sur une carte que voici :


carte de mon voyage au 16-04-2023

Les 2 trajets pour Touba représentent les allers et retours en partant de Dakar, où je suis arrivé. Les destinations suivantes furent le lac rose, Thiès, Djourbel, Kaolack, Kaffrine et enfin Koungheul, où je me trouve aujourd'hui.

Le Sénégal se divise en 2 grandes parties qui se situent, l'une au nord de la Gambie, c'est la partie que j'ai choisi de visiter en premier dans ce voyage et l'autre au sud de ce petit pays et qui est composé surtout de la Casamance.

La partie nord est semi aride et la plupart des gens que j'ai rencontré et avec qui j'ai pu échanger, étaient des personnes très simples, mais aussi très pauvres. L'impossibilité d'avoir des revenus réguliers et la dureté du climat leur impose une vie assez monotone basée sur les nécessités du jour. Un grand nombre de jeunes sont sans travail et les petits enfants habillés en guenilles sont partout. On les voit dehors le soir encore à 22h former des groupes ou déambuler d'une rue à l'autre à la recherche de quelque chose, sans savoir quoi. Ils vous abordent gentiment en vous demandant 100F, sans jamais insister. Il est évident qu'il est impossible de donner à tous ces enfants, mais participer, même très modestement de temps en temps permet de leur montrer qu'on est pas indifférent à leur sort. Un moyen simple et apprécié est d'acheter un paquet de biscuits et de le partager à ces petits lorsqu'ils vous accompagnent à l'épicerie du coin. Notre mode de vie les fait rêver et beaucoup de jeunes adultes demandent à être soutenus dans leur désirs de partir ailleurs. 


la petite alimentation juste en face de mon auberge

L'auberge dans laquelle je suis est agréable et me suffit. Elle est placée à un bout du village à partir duquel je peux choisir mes visites en extérieur. 

l'auberge dans laquelle je suis depuis une semaine

Koungheul est tout en longueur et la plupart des boutiques sont soit des 2 côtés de la route nationale qui traverse la ville, soit dans une rue parallèle qui sert aux charrettes et à la population pour se déplacer à l'écart de la circulation importante de la route principale. 

route nationale qui traverse la ville

Il y a en effet un grand trafic de poids lourds sur cette artère qui mène à Toumbacounda et vers l'est africain. Ces camions, sont la base de la vie de toutes les villes qu'ils traversent, car tout est importé ou presque. Les villes ne possèdent ni industries, ni usines, ni grands magasins (à par quelques grandes villes). Il n'y a pas non plus de centres de confection ou de transformation, seuls des artisans parfois en groupe, mais souvent seuls, ont une faible activité et les petites boutiques de commerçants. 

rue parallèle à la route nationale

Parmi ces artisans et commerçants on trouve les ébénistes qui travaillent en extérieur et qui exposent ce qu'il font aux yeux de tous. On y voit des lits avec leurs chevets, des ensembles de salle à manger, des armoires ou des placards, près à être installés. Le bois est stocké à même le sol et les meubles ne sont en rien protégés du soleil, il faut dire qu'il ne pleut pas souvent. Un secteur bien représenté est celui du bâtiment. Certaines boutiques exposent les parpaings qu'ils fabriquent et les autres vendent la ferraille, le sable, le ciment nécessaire pour faire du béton et du mortier. On voit dans la ville que beaucoup de chantiers sont ouverts, mais peu sont terminés. Les gens font en fonction de leur finance, petit à petit, sans être pressés.

quartier des ébénistes
buffet

Certains artisans s'installent par quartiers , comme les couturiers et les vendeurs de tissus. 

la chambre complète
la boutique du bâtiment

Il y a enfin toutes les petites alimentations qui sont installées sur le même modèle. Une pièce avec un comptoir et des étagères recevant toutes les boites, paquets et sachets qui existent au côté des bouteilles entassées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. La plupart son munies d'un congélateur, mais la température qu'il peut produire atteint rarement les -5°, car il est tout le temps ouvert pour une chose ou une autre. Il ne faut pas espérer boire quelque chose de glacé. 

le quartier des couturiers
les métalliers, un dimanche jour de repos

Les villes ici, ont une caractéristiques originales c'est qu'elles sont construites avec des rues toutes parallèles et perpendiculaires. Les pâtés de maisons sont soit carrés, soit rectangulaires. Il n'y a pas de fourchettes ou de rue en arrondie, voire de carrefours à angles aigus. Tout est au carré !

un restaurant
une alimentation

Le marché est un point de regroupement important, mais ne représente pas une source de production de valeur pour la population. Il est une nécessité pour des gens qui doivent chaque jour se nourrir avec le peu qu'ils ont. Tout est vendu en quantité restreinte. Ce sont surtout les femmes qui se chargent de ces échanges en étalant ce qu'elles ont sur une serviette ou un tapis. Ce sont des légumes, tomates, salades, poivrons, piments, concombres, gombos, aubergines, etc. Du poisson évidemment, un peu de viande de bœuf et du poulet. Toutes ces femmes sont les unes à côté des autres et entre les boutiques qui sont dans la rue. Vous avez des étales de tout ou presque. Les vendeurs de chaussures, d'ustensiles de cuisine, des tissus, de charbon de bois, de céréales, de colliers et bien d'autres. Tout cela forme un ensemble grouillant très impressionnant et agréable en même temps qui n'a pas de comparaison avec ce qu'on peut connaître en Europe sur les marchés. Je n'ai pas insisté pour filmer toutes ces femmes et boutiquiers d'ailleurs, car ces personnes n'apprécient pas d'être regardés, elles ont une gêne naturelle de leur condition qui est compréhensible. 

une partie du marché un dimanche jour de repos
autre partie du marché le dimanche jour férié
le garage du réparateur et changeur de pneus

Cette semaine, j'ai passé du temps à faire des recherches sur des plantes locales que je n'avais pas trouvées avant. C'est assez long, car le nom des plantes en Français n'est pas connu ici, ni dans les ouvrages que je consulte sur internet et le nom en langue locale, le Wolof est parfois difficile à connaître, car il s'orthographie différemment dans un ouvrage et dans un autre. Parfois il est cité dans la langue d'une ethnie différente. Trouver le nom latin devient assez délicat dans ces conditions, d'autres part, certaines plantes ne sont qu'à peine mentionnées ou décrites dans les ouvrages des botanistes occidentaux.

L'usage des plantes en Afrique est très ancien, mais à la différence des Indiens ou des Chinois, voire des Européens qui ont transmis par l'écriture ce qu'il apprenaient, les africains transmettaient oralement, il n'y avait pas d'écrits sur un support quelconque. La transmission nécessitait de former des groupes attribués à la pratique des plantes et à leur utilisation. Il y avait les plantes à usages alimentaire et les plantes à usage thérapeutique. A cela venait s'ajouter les applications et restrictions religieuses ou magiques. On comprend que les premiers botanistes aient eu du mal à répertorier, classer et décrire les plantes qu'ils voyaient pour la première fois. Il leur était aussi très difficile d'en voir la totale application pratique, car certains usages étaient réservés à des groupes très fermés.

Ce qui est certains, c'est que beaucoup de ces plantes ont une efficacité remarquable, parfois impressionnante. Ne provenant que d'un milieu sauvage, elles n'étaient pas altérées par la pollution de l'homme occidentale. Celui-ci se mit très vite à dénigrer ces plantes sauvages trop actives et surtout les hommes qui les prescrivaient derrière des prétextes fallacieux évidents. La concurrence qui peut mener à l'enrichissement intellectuelle et culturelle est rejeté par ceux qui s'installent comme des autorités du savoir.

La ville de Koungheul est proche de 2 forêts classées. J'en ai profité pour y faire quelques excursions. L'une d'abord à pied pour tester ma résistance et pour ne dépendre d'aucun moyen de transport. L'autre en prenant un Jakarta, car elle est située à près de 7 à 10km de la ville. Dans les 2 cas, le plaisir de marcher au milieu de la nature se manifeste par une énergie assez forte au début qu'il faut entretenir par des pauses pour supporter la chaleur qui était cette semaine comprise entre 40 et 43°. J'ai tout de suite reconnu les plantes que j'étais venu chercher et enrichit mon stock de photos et prises de vue, ce qui est impératif.

Après avoir observer et pris suffisamment de notes, j'ai installé mon hamac entre 2 arbres sous lesquels je suis resté pendant un bon moment. Chaque souffle du vent qui passait sous ces arbres me rafraîchissait. Dormir n'était pas possible, mais laisser passer le temps était une vraie grâce de la nature. J'ai finit par retourner à mon auberge


la savane autour de Koungheul

un peu plus tard dans la soirée l'esprit et le cœur joyeux. 

8ème semaine


Chaque jour qui passe me permet de m'habituer un peu plus à la vie qui s'est construite ici. Les gens commencent à me connaître et nous nous saluons lorsque nous nous rencontrons. Bien que le désir de communiquer soit assez fort chez beaucoup, la barrière de la langue est importante, car plus je vais vers l'est du pays et moins les gens parlent le français. Nous arrivons à nous transmettre quelques idées néanmoins, ce qui favorise mon acceptation parmi eux. Les Sénégalais ont une notion du groupe très formée. L'expression qu'ils emploient la plupart du temps est : on est ensemble. Ce qui veut dire que quelles que soient nos origines, nous partageons ensemble la vie sur Terre, ses peines et ses joies. Ils s'attendent à ce que nous partagions avec eux dans les moments difficiles, mais dans les moments de bonheur aussi. Ils vous offrent très facilement ce qu'ils ont et vous invitent à partager un repas sans formalité.

Il est important dans tous les cas de souhaiter le bonjour et de demander comment ça va, avant toute discussion. Un oubli peut conduire parfois à une impossibilité de partager, mais un sourire franc permet alors de rattraper cette erreur.

Parmi tous ces gens, j'ai pu avoir des liens plus importants avec quelques personnes. Entre autres, un jeune enseignant qui se donnait entièrement pour aider ses élèves à acquérir un meilleur bagage afin d'améliorer leur vie. Célibataire, il me disait que c'était parfois lourd de rester seul, mais que sa tâche lui tenait tellement à cœur qu'il était près à supporter beaucoup des difficultés que la vie lui occasionnait pour arriver à leur transmettre ce savoir si précieux. Loin de sa famille, il était touchant de voir que nos discussions avaient un impact important sur lui et il me remerciait constamment de nos échanges.

Je pourrai citer de nombreux autres personnages que j'ai rencontré, mais ce qui ressort de tout cela, c'est que lorsque la pauvreté n'altère pas le jugement des hommes en produisant une forme de rancœur ou de dégoût, ils restent profondément bons et capables d'équilibre dans leur façon de voir la vie et les autres.

Aujourd'hui j'ai décidé de passer un moment en savane. Ce sont des moments assez important pour moi, qui me permettent de garder pieds dans la réalité. Je crois que ce besoin est assez généralisé, car nos sociétés modernes cherchent semble-t-il à nous déraciner au point de nous faire accepter une façon de vivre dénaturée, à partir de constats qu'on ne peut remettre en question, quand bien même ils paraissent construits et fallacieux. Les hommes sont devenus de fait assez léthargiques et finissent par assimiler petit à petit des choses naturellement inacceptables.

L'esprit a besoin de contacts très variés et différents pour rester dynamique, sensible et vivant, ors on voit que chacun s'enfonce dans une routine dont la conséquence est cette indifférence à l'égard de ce qui arrive et l'impossibilité d'agir pour modifier le cours des choses.


plan de Koungheul

En dehors des 2 routes bitumées qui traversent la ville, dont l'une est réservée aux charrettes, toutes les rues perpendiculaires sont en sol brut, donc en sable. Marcher pieds nus est impossible tant la température du sol est élevée. Il suffit de faire un peu plus d'un kilomètre pour se retrouver dans la nature. Les derniers bruits de la ville s'estompent, les plastiques et les derniers gravats qui jonchent parfois les sols des habitations se font plus rares. Je rentre alors dans la douceur de cette forêt et j'oublie qui je suis pour me sentir faire corps avec elle. 

les rues perpendiculaires de la ville sont en sable

Le ciel est toujours bleu, quelques oiseaux viennent se poser sur un baobab, je les regarde, mais ils font semblant de m'ignorer. Le calme s'est installé et je ne fais qu'observer ce qui m'entoure en allant d'un arbre à un autre. De temps en temps je filme les détails de certaines plantes. Bien qu'il fasse très chaud, je ne ressens pas de difficultés à le supporter et je continue à me déplacer parmi ces végétaux comme si je connaissais ces lieux. Par moment le vent se met à souffler par rafales et m'apporte de la fraîcheur. Je me décide finalement à tendre mon tarp pour m'installer à l'ombre de quelques chigommiers. Là, bien à l'abri des morsures du soleil, je profite du temps qui passe pour m'allonger et me reposer tout en regardant autour de moi bouger les branches des arbustes qui me m'entourent. Il en faut peu pour se sentir bien et oublier la folie des hommes qui les conduit à se diviser ici ou là pour des raisons toujours futiles.

Dimanche, je pars pour la Gambie en prenant un bus de brousse qui passera ma prendre devant mon auberge. C'est bien la première fois que je ne sois pas obligé de faire quelques kilomètres avant de rejoindre mon transport. Le chauffeur, d'une grande gentillesse, a tenu à m'éviter de faire un long trajet à pieds en me récupérant. Le départ est prévu entre 10h et 12h. Ici, on attend que les bus soient plein avant qu'ils ne partent pour leurs destinations. Quand il est rempli, il part et c'est au suivant d'attendre de faire le plein et de partir. Il y en a 3 de prévus , me semble-t-il.

Pour quitter agréablement certains de ceux que j'ai accompagnés ici, j'ai invité le jeune instituteur au restaurant. Nous sommes descendus en ville et nous nous sommes arrêtés dans un endroit où nous avons mangés un poulet grillé avec quelques oignons ensemble. Il m'a présenté par téléphone, un de ses amis d'université à Dakar avec qui il partage toujours des périodes d'étude et une amie avec qui il aimerait bien envisager une vie ensemble. Il était heureux de me présenter les personnes qui comptaient apparemment beaucoup pour lui et voulait que je fasse connaissance avec elles, ce que je fis. L'après-midi se passa agréablement et nous nous quittâmes en soirée bien décidés de ne pas s'oublier.

Levé à 8h, je pars avec mon sac à dos en traversant la ville jusqu'à la gare routière. Le numéro de téléphone qu'on m'a donné pour communiquer avec le chauffeur n'est pas bon. J'ai parcouru de nombreuses fois cette ville à pieds sans peine, mais avec mon sac à dos, je ressens tout de suite les ardeurs du soleil renvoyées par le bitume de la route. Je ne sais pas pourquoi j'ai un mauvais numéro, mais j'espère bien que j’arriverai à temps. Nous sommes dimanche, tout ou presque est fermé.

J'arrive enfin sur les lieux du départ et un autre chauffeur avec un autre véhicule est là et n'attends plus que moi pour partir. Il s'agit d'une 504 à plateau aménagée avec 2 bancs pour emporter les passagers. 

le véhicule, une 504 aménagée avec 2 bancs pour les passagers

Nous sommes 8 plus 3 personnes devant et ceux qui montent sur le toit au nombre de 3. Après avoir cheminé dans les ruelles de la ville pour gagner l'extérieur, nous voici tous sur la route qui mène à la frontière. Nous sommes dans la savane en dégageant une quantité de poussière impressionnante derrière nous. La végétation est assez fournie sur cette portion de route et nous voyons au loin les quelques maisons de paille faites par les bergers. Ce sont souvent des nomades qui s'installent avec leurs troupeaux et qui se construisent une maison de forme arrondie avec les herbes séchées de la savane. Ce sont typiquement des cases africaines qui se reconnaissent facilement , car elles sont toujours de la couleur beige des herbes, avant qu'elles ne passent au gris avec le temps.

nous roulons à travers la savane vers la Gambie

Les passagers sont surtout des femmes qui rejoignent leur village et 2 hommes dont l'un est un marabout très connu ici. Nous discutons ensemble naturellement, car il parle français et m'explique ce qu'il fait avec les gens qui viennent le voir. Son don lui permet de voir où en sont les relations qui unissent les gens lorsqu'ils se marient où lorsqu'ils vont le faire. Il arrive à entrer en relation avec toute la famille et ressentir ce qui peut amener des tensions dans celle-ci et conseiller celui qui fait appel à lui en prenant des filtres pour améliorer ces liens ou pour les protéger de facteurs extérieurs qu'ils soient humains ou non. Il donne aussi des objets fétiches qui peuvent aider celui qui les porte à favoriser une situation. Nous appelons cela des gris gris, mais il me dit que c'est assez différent, car ces objets portent en eux une forme de force ou d'énergie qu'il doit orienter en la donnant à la personnes. Il les appelle des "balaks".

Nous arrivons au poste de frontière sénégalais. Là chacun donne ce qui lui sert d'identité et je fournis mon passeport, que je récupère après 10mn.


poste de douane du Sénégal

Nous repartons avec de nouveaux passagers tandis que d'autres partent, dont le marabout. La route, assez secouée n'est depuis le début qu'une piste en terre qui serpente entre quelques villages ou maisons, dans lesquels vivent des gens que je salue à leur passage. Tout le monde est plus ou moins remué par les soubresauts de la voiture à chaque fois qu'elle roule sur des trous, mais nous finissons par atteindre la Gambie au terme du voyage.

Le poste est une simple pièce dans laquelle l'employé attend que j'apporte mes papiers. En attendant qu'il me les rende, je regarde de l'autre côté de la route pour observer les cases qui forment le premier village de ce nouveau petit pays. Ce n'est qu'une bande de terre d'une cinquantaine de km qui borde le fleuve Gambie. Bien que le fleuve prenne sa source au Sénégal, ce pays est restée de langue anglaise lors de l'indépendance de ces territoires. Il s'étire en partant de la mer sur près de 500km vers l'est pour se terminer aux abords de Toubacounda, la grande ville de l'est sénégalais.


petit village en face du poste de douane Gambien

L'employé des douanes m'appelle, je dois gagner au autre poste plus loin à 20 km environ pour recevoir un tampon du pays. Un bus arrive, je le prends et c'est parti pour Wassu. Le Mercedes roule tranquillement et ce qui est rare, nous sommes peu nombreux à l'avoir emprunté. Je comprendrai un peu plus tard que c'est parce que c'est jour de fête et que normalement personne ne travaille, pas même les bus ou les taxis. J'ai eu beaucoup de chance !

Le soleil est déjà brûlant lorsque j'entre dans le poste de douane. L'employé me fait asseoir pour attendre. Après être parti 10mn, il revient en me demandant de parler avec son chef par téléphone. Je comprends alors que celui-ci désire de l'argent. Il me demande 10000 dalasis (120 euros), ce qui est énorme pour faire le tampon, mais surtout me semble interdit. Je lui dis que je ne comprends pas et que je ne vais pas payer cette somme, car le passage en Gambie est gratuit et libre pour les Européens. Il me demande alors d'aller vers un nouveau poste de douane à 30km d'ici. Je pars assez étonné de voir comment les événements semblent se dérouler, mais ce sont des choses courantes dans les pays assez pauvres, dans lesquels les employés des douanes arrivent à augmenter significativement leur salaire par ces méthodes. Je n'ai de toute façon pas cette somme qui représente pour moi ce que je dépense ici en une semaine pour vivre.


au poste de douane de Wassu

Après avoir réussi à négocier un taxi, je pars à nouveau pour un village que je ne connais pas. Nous sommes 6 dans le véhicule. Après une demi heure de route, le chauffeur me laisse sur le bord de la route avec un jeune homme et repart prestement.

Bubakar, la personne qui est descendue avec moi, me propose alors de venir dans son village qui est à 7km d'ici dans la brousse. J'accepte volontiers, suite à quoi il téléphone à sa famille et au chef de village pour prévenir de notre arrivée et au fait que je dormirai là-bas. Une charrette arrive dans le chemin qui nous emporte loin de la route.

dans la charrette en direction du village

La végétation commence à changer. On s'aperçoit vite que la région est plus propice à la croissance de nombreuses espèces de plantes. Le sol est sablonneux, mais surtout une roche rougeâtre ressort un peu partout semblant être de nature volcanique. Nous passons à travers des bois dans lesquels j'aperçois quelques perdrix de bonne taille. « On y voit aussi des singes » me dit le chauffeur. Tout semble encore plus sauvage que lorsque je passais dans les forets de Koungheul.

Petit à petit apparaissent des cases et d'autres bâtiments plus récents, quelques palissades faites de roseaux et d'herbe servant d'enclos pour des animaux d'élevage et enfin le village apparaît dans sa totalité. Quelques personnes vaquent ça et là à divers activités, des ânes, des chevaux, des chèvres, quelques vaches et des poules sont en liberté. Nous arrivons enfin devant les cases qui forment les habitations de toute sa famille. Je descends de la charrette prends mon sac à dos et pénètre à l'intérieur de la barrière qui délimite leurs habitations.

Je fus surpris de voir que toute la famille de Bubakar était là et attendait mon arrivée afin de m’accueillir avec une joie manifeste. Au moins 15 personnes étaient là, assises sur des bancs, d'autres sur ce qu'elles avaient sous la main, quelques autres debout. Tous voulurent me souhaiter la bienvenue personnellement. C'était vraiment très touchant. Je n’eus aucun mal à me sentir à l'aise parmi eux. Il y avait un grand nombre de jeunes enfants, des bébés, tous souriaient ou rigolaient. 

ma case pendant quelques jours

Bubakar me montra ma case, dans laquelle il y avait 2 lits. Le matelas était une simple paillasse auquel il me fallu un moment à m'habituer, mais il était le bienvenu après une journée difficile et chaude. Une heure après avoir investit les lieux, tout le village vint me souhaiter le bonjour, hommes femmes et enfants, c'était impressionnant. Je ne sais combien de personnes je vis ce jour là, mais le nombre fut considérable.

le bâtiment était construit en pierres sur 2m de hauteur et enduit par dessus. Le toit était fait de paille séchée et reposait sur des petits chevrons de bois. Le sol, une terre battue sur laquelle on avait étalé une forme de chape en ciment très fine semble-t-il, car elle éclatait par endroit. 

mon lit dans la case

Sans ventilation et sans air conditionné, la chaleur de la journée ne s'estompe pas avant 2h du matin. Je ne réussis à m'endormir que bien plus tard sur ce matelas de paille qui me déformait le dos, mais j'étais si content d'être parmi eux que j'aurais pu dormir par terre s'il avait fallu. Sans grand sommeil, je pensais à l'opportunité que j'avais de pouvoir rencontré les gens d'un village entier, vivant comme le faisaient leurs ancêtres. Il n'y a ici, ni eau courante, ni électricité, ni internet. Le soleil colorait de jaune et de brun l’horizon qui s'étirait devant moi. Le silence de la savane s'installait en roi de ces lieux. 

le soleil se couche devant ma case

9ème semaine


Réveillé tôt, un peu avant le soleil levant, j'attendais qu'il pointe ses premiers rayons pour aller dehors et pouvoir inspecter ce village seul et prendre quelques photos. Une fois dehors, j'oubliai vite la nuit difficile que j'avais passé sur cette paillasse à tourner dans un sens ou l'autre pour trouver une position moins douloureuse pour dormir.

Le soleil se levait à peine et faisait ressortir les couleurs des habitations et des arbres qui étaient ça et là. La fraîcheur de la nuit, encore présente, rendant cette visite très agréable. Les animaux en liberté mangeaient ou se déplaçaient à leur guise. Seuls les coqs en très grand nombre apparemment continuaient d'avertir la population qu'il était grand temps de se lever. Je réussis à filmer tout ce qui était encore typique, témoin d'une époque disparue, car je voyais bien que partout ailleurs, les gens remplaçaient quand ils le pouvaient, ce qui tenait lieu de matériaux naturels par des moyens plus durables et plus récents. On avait alors, un mélange d'anciens et de modernes qui n'était pas toujours très harmonieux. Ajouté à cela les papiers, plastiques et autres gravats qui habillent généralement le sol des agglomérations, qui n'ajoutent pas à la beauté de l'ensemble.


case avec le jardin sur la gauche

Je rentrai dans ma case et une demie heure plus tard, le premier repas me fut servi. C'était un mélange de farine et de millet concassé qu'on mélange avec une sauce dont je ne connais pas la composition, mais dans laquelle il y a toujours du piment. N'étant pas habitué à manger le matin, je me permis simplement de goûter à cette préparation, qui demandait semble-t-il d'être habitué pour être mangée régulièrement. Mon hôte semblait être très habitué et se régalait en avalant une partie du plat. Celui-ci me semblait au demeurant très énergisant, correspondant bien aux besoins du corps à subir les ardeurs de la chaleur du jour.


les familles habitent regroupées dans des cases entourées d'une palissade en herbes sèches

Je reçu ensuite encore la visite des gens du village. J'avais du mal à me souvenir de ceux que j'avais déjà vu, des nouveaux qui m'étaient encore inconnus, le mieux était de demander à tous comment ça allait et de les remercier. Ils étaient tous très souriants. Les mamans venaient avec leurs enfants, ce qui fait que parfois il y avait dans cette petite case, plus de 15 personnes qui parlaient entre eux et rigolaient de leurs histoires dont je ne comprenais pas un mot, puisqu'ils parlent tous en Wolof, comme au Sénégal. Ils restaient ainsi avec vous pendant parfois près d'une heure. Certains s'allongeaient pour dormir en attendant que d'autres viennent.

Cette situation aurait pu sembler exagérée en France, mais elle ne l'était pas du tout dans ce contexte où tous ces gens vivent ainsi naturellement, en se souciant des uns des autres à travers leurs rencontres et leurs discussions. Je finis par prendre l'habitude de ces visites et je les laissais faire pendant que je m'occupais d'autres choses. Parfois je m'allongeais tout simplement pour me reposer ou dormir quand j'y arrivais.


vache typique de Gambie

Le chef du village qui était venu me souhaité la bienvenu la veille, vint à nouveau voir si tout allait bien. Il me permit de comprendre que Bubakar avait été affecté à mon accompagnement et qu'il était là pour répondre à tous mes besoins, s'il y en avait. Nous discutâmes aussi du problème de la douane pour lequel il fallait assurément une suite et une fin correcte. Cela fut réglé dans les jours qui suivirent, ce qui me permit de rentrer ensuite au Sénégal sans qu'il y ait de problème.

Globalement dans le village chaque famille se regroupe dans un ensemble de cases avec une cour, l'ensemble étant délimité par une palissade en herbes séchées et en roseaux. Il n'y a pas de cuisine. Celle-ci est faite soit dehors, soit dans une case à peu près vide, contenant juste quelques marmites et des plats en inox divers, mais grands en général. Les repas sont préparés pour tous les membres de la famille, soit entre 10 et 15 personnes. On fait un feu à même le sol ou dans un réchaud métallique avec du charbon de bois quand il en faut peu. Le réchaud étant le même que celui qu'il y avait chez Pierre à Djourbel.

La base de tous les plats est le riz ou le mil avec une sauce et juste quelques légumes, parce qu'ils coûtent très cher. On y trouve aussi des herbes sauvages ou de feuilles d'arbres pillées et du piment évidemment. Dans cette famille, il semblait même qu'ils ne mangeaient pas de viande, mais je n'en suis pas certain. D'ailleurs, ils ne prenaient jamais le lait des vaches, ni celui des chèvres, qu'ils laissaient pour leurs petits.


préparation de la farine de millet au mortier pour le repas

En général, ce sont les femmes qui font la cuisine. Chacune semble avoir une tâche assignée. La préparation des céréales est assez longue, puisqu'il faut trier, laver et passer au mortier ce qui doit être réduit en farine. Cela prend parfois plus d'une heure pendant laquelle on entend le bruit des pilons qui frappent le grain au fond du mortier en bois.

Le mil regroupe divers céréales dont le millet qui forme des graines très dures qu'il faut broyer pour être consommées et assimilées. Cette graine est très nourrissante et bourrée d'énergie. C'est la céréale la plus utilisée en Afrique, où elle est vraiment adaptée. En effet, les gens n'ayant aucun moyen de conserver à l'abri des insectes les céréales qu'ils stockent, celles-ci seraient vite attaquées. Par chance, le millet n'est pas attaqué par les insectes. Il n'a pas besoin de conservateur ou d'insecticide comme le blé, l'orge ou le maïs. 

cuisine dans laquelle tout est cuit à même le sol sur un feu de bois

Les salles de bain n'existent pas ici. On se lave avec un seau et un petit récipient qui sert de douchette ou de gobelet, en dehors de la case. Il faut une certaine dextérité pour cet exercice, même s'il est agréable et nécessaire parfois. Inutile de vous essuyer avec une serviette, le soleil s'en charge assez rapidement.

L'eau du village est prélevée dans un puit grâce à une pompe alimentée par des panneaux solaires et ensuite stockée dans une réserve en plastique en hauteur. Elle est répartie à toutes les habitations par des tuyaux en plastique. Chacun peut ainsi avoir son eau à domicile.


un oiseau coloré sur une branche
envol de l'oiseau avec ses belles couleurs

Je profitais d'être loin de tout pour aller à la rencontre de plantes sauvages, prendre des notes, des photos et des prises de vue comme j'en ai l'habitude. C'était un réel plaisir que de se sentir libre dans cet espace si grand et silencieux, où les oiseaux qui passaient m'étaient tous inconnus, mais avaient des plumages colorés magnifiques. J'ai eu beaucoup de mal à essayer de les photographier, bien qu'ils n'aient pas été aussi sauvages que je le pensais. 

je quitte le village de Malikbari

Les jours passèrent assez rapidement et je repris le chemin du retour vers Koungheul. Je retrouvais les postes de douane et montais finalement dans une 404 Peugeot à plateau aménagée pour faire le transport. Nous étions cette fois-ci une quinzaine assis comme on le pouvait et 5 ou 6 sur le toit, une vraie expédition. La voiture charriait autant de poussière qu'elle le pouvait en roulant sur cette route de terre qui nous secouait tous. Comme j'étais le dernier passager à l'arrière avec une jambe dedans et une dehors sur le marche pied, j'étais couvert de poussière au point où on ne voyait plus mon visage. Mes vêtements eux aussi, avait accumulés une quantité de poussière énorme. C'est surtout à l'auberge que je m'en aperçu en regardant dans un miroir. On aurait dit un aborigène avec un bonnet sur la tête. La douche s'imposait. 

les habitations sont entourées par des palissades en branches
retour sur Koungheul

J'allais à nouveau passer quelque jours dans cette ville que je connaissais bien maintenant avant de pouvoir partir sur Tambacounda et la Casamance. La chaleur était toujours aussi mordante et m'imprégnait comme un vêtement. le record de la semaine fut de 45° à l'ombre.

avec Bubakar qui m'avait gentiment invité dans son village en Gambie

10ème semaine


Après être resté plus de 2 semaines à Koungheul pour dormir, je décide de partir pour Tambacounda, à 130km de là. Parti tôt le matin, je rejoins le poste d'arrêt des bus et autres taxis partagés. Il y avait déjà du monde qui attendait sous l'abri fait de bois et d'herbes séchées. Ces stations, si je peux dire, sont toutes faites de la même façon. 4 branches forment les 4 côtés de l'abri et sont reliées en haut par d'autres branches qui doivent supporter la toiture faite d'herbes séchées et de joncs. L'ensemble est rudimentaire, mais efficace. Il n'y a pas de bancs, mais de temps en temps quelques parpaings au sol et des bidons pour s’asseoir.

Ce jour là, j’eus la chance d'avoir un bus qui était presque vide, ce qui m'étonna. Ce que je n'avais pas compris, c'est qu'il me laisserai à mis chemin et qu'il revendrait ma place à un autre bus, lui chargé à bloc...Il ne faut jamais être pressé lorsque vous prenez un moyen de transport, car pour le conducteur l'important est d'arriver à destination, quelle que soit la durée du voyage. Globalement, il faut 5h pour faire 130km, mais si vous arrivez avant le soir, c'est déjà bien, vous aurez le temps de vous trouver un endroit pour dormir.


une rue de Tambacounda

J'arrivais enfin à Tambacounda. Rien que le nom de cette ville me plaisait avant que je ne décide de partir au Sénégal. Cette cité est assez grande pour devoir prendre un taxi pour en faire la traversée totale sans trop se fatiguer, mais elle pourrait être faite à pied pour peu qu'on en prenne le temps. C'est en général autour des stations services que se font les regroupements et les départs comme les arrivées des grands cars de voyage. Il y a un monde impressionnant, mais c'est là qu'il faut aller pour glaner des renseignements.


une case africaine traditionnelle chez quelqu'un

Je finis par trouver une auberge avec une chambre ventilée. La salle de bain est commune dans un couloir et le ventilateur central, façon colonial, tourne bien. A ce stade, je suis content !

Après une nuit de repos, l'important est de repérer les magasins les plus utiles sans aller trop loin et de voir les plats qui sont préparés par les habitants quand arrive le soir. C'est important, car les Sénégalais de manière globale, mangent à peu près la même chose chaque jour qui passe, sans que cela ne les dérange. Il en est différemment pour moi qui ne supporte plus le tié bou dien , ni l'odeur de ce qu'ils mettent dedans. Je suis obligé de repérer ceux qui vendent des légumes et ceux qui proposent autre chose que du poisson grillé avec du riz ou des cacahuètes. Les choses se compliquent donc un peu.

Je me fais rapidement des connaissances avec des boutiquiers. Le vendeur de boissons d'abord, qu'on appelle Jimmy. Je ne sais pas si c'est son vrai prénom, mais celui-ci lui va bien. Il est le seul dans le quartier à vendre des boissons glacées. Le seul aussi à avoir un congélateur qui fonctionne...Je viens chez lui régulièrement boire une ou deux petites limonades en bouteille de verre faites localement, 300F la pièce ( 50ct ), plusieurs fois par jour et j'en profite pour parler. D'autres personnes se joignent souvent à nous pour boire quelque chose ou simplement être présent. Ici, il n'est pas besoin de consommer pour s'asseoir et parler ou regarder passer les gens autour de soi.


avec Abdullah, herboriste de Tambacounda

Les boutiques sont simplement des locaux de 3m sur 4, dans lesquels une grande ouverture donne sur la rue et ou sont entreposées ou présentées ce que le vendeur propose. Les boutiques sont collées les unes aux autres, formant une allée de boutiques multicolores agréables à regarder.

Comme chaque soir, les rues se remplissent de gens qui vont et viennent sans forcement acheter quelque chose. C'est l'occasion de faire des connaissances. C'est ce soir là, en buvant une boisson fraîche chez Jimmy, que je fut mis en contact avec Abdallah, un herboriste tradipraticien qui exerce dans la ville, du côté de la gare. Nous décidâmes rapidement de nous rencontrer le lendemain afin de parler de plantes locales et de méthodes.


avec les autres herboristes

La rencontre se fit en toute simplicité, comme si nous nous connaissions déjà. Il exerçait avec quelques autres dans un quartier désaffecté qui était celui de la gare. Aucun train ne venait plus ici à Tambacounda depuis longtemps, mais les herboristes s'étaient vu autorisé à y installer leur quartier sous la forme de boutiques de fortune faites de branches de joncs et de plastiques. Toutes sortes de plantes séchées se trouvaient là ainsi que d'autres objets qui ont une importance traditionnelle pour les gens d'ici comme des peaux de serpents, de lion, des cornes de chèvres, des sabots d'ânes etc...

Nous primes l'habitude de nous voir presque chaque jour aux alentours de mon auberge, le soir après sa journée de travail. C'était l'occasion bien souvent de boire une petite bouteille chez Jimmy et de parler tous ensemble. Nous décidâmes aussi de produire une vidéo qui présenterai son activité et l'utilisation des plantes sauvages locales. Vidéo que nous fîmes dès le lendemain.


préparation des racines

Tambacounda fait partie de ce qui s'appelle le Sénégal oriental. C'est la région la plus sauvage du pays. J'avais envie d'en faire l'expérience et je décidais de passer une journée en brousse, près d'un village nommé Gouloumbou. Je pris contact avec un taxi pour qu'il accepte de m'amener là-bas, car il y a plus de 30km et qu'il veuille bien m'attendre une bonne partie de la journée pour venir me récupérer ensuite. Étant à pied, je n'ai pas d'autres moyens de procéder. La proposition devait être sûrement intéressante, car le taximan accepta facilement et c'est ce que nous fîmes 3 jours plus tard.

Lâcher dans la brousse un étranger doit sembler étonnant voire dangereux pour un autochtone, mais je suppose que cela ne doit pas arriver tous les jours. Une fois sur place, ce qui impressionne le plus est le silence et le cri des oiseaux qui ressort facilement dans cet espace qui semble sans fin. Je pris quelques repaires d'orientation pour le retour avant de m'enfoncer dans cet ensemble. Mon objectif était surtout de rencontrer des espèce végétales que je n'avais pas croisé encore et peut-être quelques animaux.


dans la brousse

On peut dire que je fut satisfait de cette sortie, car c'est à cette occasion que je pus découvrir une liane sauvage qu'on appelle « madd » ici et qui donne des fruits excellents dont on fait des confitures réputées. La plante était en fleur et portait déjà quelques fruits non mûrs. La plante s’enroule autour d'arbres qui lui permettent de progresser dans tous les sens, montant parfois à plus de 8m de hauteur. Les fleurs sont odorantes et de couleur crème.


fleurs de madd

Je longeais en partie le fleuve Gambie afin de pouvoir observer les nombreux oiseaux qui peuplent ses abords. Certes, je ne connaissais le nom d'aucun d'entre eux, mais le fait de les voir tourner autour de moi par curiosité me suffisait. Parfois, ils passaient par bande, non loin et venaient se poser sur quelques arbres à bonne distance. Il m'a été très difficile d'en faire des photos. Sel un oiseau solitaire est venu à quelques mètre de moi, me permettant de l'observer. La couleur rouge de son corps ressortait et donnait à ce volatile une robe magnifique au soleil. Le temps de faire une photo et voilà l'oiseau reparti. 

oiseau au ventre rouge

Je devais bien sûr me reposer de temps en temps pour supporter la chaleur. Comme je filmais un commentaire que je faisais de cette sortie, un petit crocodile de 50cm de longueur descendit brusquement d'une branche d'arbre sur laquelle il s'était placé pour pêcher sûrement. Très surpris de cette rencontre inattendue, je compris encore plus le caractère sauvage que représentent les lieux. J'avais lu d'ailleurs sur internet, qu'un crocodile de 2m avait du être déplacé des alentours du village de Koungoulou il y a 2 ans pour éviter des accidents. Aussi que 24 décès avaient été fait sur 10 ans, par des familles d’hippopotames autour de cet endroit .

Je ne suis pas naturellement peureux et cette rencontre me rendit plutôt joyeux à l'idée qu'il y avait encore des animaux sauvages en liberté, ici au Sénégal oriental. Après avoir suivi le fleuve un certain temps, je me décidais à retourner plus haut dans la brousse. La chaleur qui était très supportable au bord du fleuve, devenait à nouveau brûlante parmi les végétaux. Je flânais à travers les arbres et les arbustes tout en prenant la direction du retour. 

dans la brousse africaine

Petit à petit, je prenais la direction de la route qui traversait la brousse pour donner rendez-vous au taximan. Il fallu s'arrêter plusieurs fois pour économiser mon eau et ma fatigue qui n'était liée qu'à la chaleur dans ce cas. Après avoir pris suffisamment de photos et fait des prises de vue, je rejoins le taximan qui m'emportait tranquillement vers Tambacounda.

Pressé de voir les photos et l'ensemble de mes enregistrements, je fis la vidéo sur le trek de Gouloumbou, ce soir là. Ça n'est que vers 2 h du matin que le sommeil m'emporta loin de tout cela. J'avais déjà oublié les oiseaux, le fleuve et le crocodile.

je me repose

11ème semaine


Je décidais de rester à Tambacounda, bien que l'envie d'aller plus loin me taraudait un peu, mais rouler empêche d'approfondir les liens qu'on peut avoir avec de nouvelles connaissances et ne permet pas de bien connaître les lieux dans lesquels on se trouve temporairement.

Je me suis vite aperçu que je me plaisais dans cette ville et que je commençais à bien connaître tous les gens du quartier qui semblaient m'apprécier. Je prenais aussi des habitudes qui me semblaient me convenir temporairement. Lorsque vous êtes à l'étranger, dans un endroit où la culture est différent, il faut du temps pour voir s'il est possible de vous acclimater, moyennant des modifications, aux coutumes locales. Ce n'est pas toujours facile ni possible et si ça ne l'est pas il faut se déplacer ou modifier des parties du voyages. Supporter ce qu'on arrive pas à assimiler conduit à rendre l'aventure inutile, voire néfaste.

Pour ce qui me concerne, les 2 points importants étaient d'abord la température très chaude et la façon de l'appréhender dans la journée ainsi que la nourriture, qui du fait sa faible variété me bloquait l'appétit après un mois seulement.


un jardin à Tambacounda

Pour la température, les choses se firent naturellement. Mon corps s'habitua petit à petit et j'adoptais une vitesse de mouvement et de décision qui cadrait avec celle que tous les gens ici avaient sûrement du adopter pour les mêmes raisons. Je me déplaçais lentement et sans précipitation dans tout ce que je faisais et surtout très peu d'activités entre 14h et 17h. Je privilégiais les sorties du soir, lorsque la température était plus favorable et lorsque la grande partie des locaux sortaient dans les rues pour se voir ou pour se déplacer. N'ayant jamais d'objectif précis à atteindre, cela me convenait très bien.

Un matin, je décidais de visiter un des nombreux jardins de la ville. Ce sont des jardins entretenus par les gens du quartier environnant et qui est très souvent entretenu pas des femmes. On y trouve surtout des légumes comme les oignons, les gombos, les aubergines et les tomates ainsi que des salades. On y trouve aussi de la menthe , du basilic et divers plantes locales. Tous les carrés de légumes sont régulièrement désherbés et l'ensemble du jardin donne un très bel effet. Les femmes qui y travaillent repartent chaque fois avec quelques légumes qui leur servent à préparer leur repas.


le jardin est surtout entretenu par des femmes

En parlant avec elles, je me suis vite aperçu qu'elles étaient conscientes de la nécessité de ne pas utiliser de produits chimiques dans leur culture. Au vue des légumes qu'elles obtiennent , je compris vite que c'était inutile. La terre, bien que sableuse est très fertile et donne de magnifiques produits. Parmi les plantations, je remarquais la présence importante de menthe, sûrement pour le thé et d'autres préparations comme le bissap. Il y avait aussi un basilic très original, dont l'odeur dépassait de loin celui qui est vendu sur les marchés de France. Le végétal pousse simplement à même le sol sans entretien particulier que de le désherber. 

la basilic africain très aromatique

Autre chose que je remarquais dans presque tous les jardins que j'ai visité, était la présence de moringa. Les arbustes étaient toujours jeunes, mais nombreux sur le terrain. Les gens ont l'habitude de les laisser pousser et d'en consommer les feuilles dans le couscous (c'est un couscous très différent du couscous marocain et surtout plus simple). L'arbre n'est jamais planté, il repousse de ses racines, même lorsqu'elles sont coupées au plus raz. Ce sont toujours des arbres dont la place était déjà faite auparavant. Ils sont respectés par touts les habitants qui leur accordent de nombreuses propriétés et qui représentent une source de nourriture naturelle.

Je réussis à avoir des discussions sur les différents légumes qu'ils entretiennent et pour savoir s'ils rencontraient des problèmes particuliers, ce qui n'était pas le cas. La difficulté la plus délicate qu'ils rencontrent est lié à l'eau qui est difficile à capter, car les nappes d'eau sont très profondes et ils n'ont pas l'électricité à domicile pour alimenter une pompe en électricité. Ils possèdent juste quelques panneaux solaires qui leur donne une autonomie très relative.


jeunes moringas sur le bord du jardin

Mes différentes visites et rencontre dans la ville, me permirent de faire connaissance avec un entrepreneur du bâtiment. Celui-ci m'expliquait que la difficulté liée à la bonne marche des chantiers, étaient était souvent liée au manque de qualification des ouvriers. D'autre part, qu'il était parfois impossible de faire venir des ouvriers, lorsqu'il en manqueit d'une autre région, car les différences de climat entre Dakar et Tambacounda font que les gens de la capital ne supporte pas la chaleur du Sénégal oriental ou central et que ceux des régions arides ont froid à Dakar. Les températures peuvent varier de 15° entre ces 2 régions.

Quant au salaire moyen des ouvriers, il me confia qu'un manœuvre touche 3000F par jour ou 75000F par mois, ce qui fait environ 120 euros par mois et un ouvrier qualifié 6000F, soit 240 euros par mois. Cela donne un aperçu du niveau de vie de ceux qui travaillent. Pour ceux qui n'ont pas de salaire, leur activité se résume à trouver chaque jour de quoi aller jusqu'au lendemain. Parfois il s'agit simplement de 1000F, soit 1 euros 50. Les gens ont tendance à partager ce qu'ils ont et se sont habitués à vivre ou à survivre devrais-dire.

Le plus étonnant est que les gens gardent le sourire quoi qu'il en soit et ne vous harcèlent pas outre mesure de réclamations ou d'autres demandes d'aides financières. Même les enfants, habillés avec des lambeaux de vêtements marchant pieds nus pour la plupart, n'insistent pas lorsqu'ils vous demandent un peu d'argent. Si vous leur donnez des gâteaux ou des bonbons de temps en temps, ils sont les plus heureux du monde et viennent vous saluer à chaque fois que vous passez près d'eux.


femme travaillant au jardin
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